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24 septembre 2019 2 24 /09 /septembre /2019 16:18

Déjà essorés par des mesures prises depuis l’arrivée de Macron à l’Elysée, les bailleurs sociaux veulent défendre la spécificité française face à la volonté du gouvernement de financiariser une partie de leur patrimoine. Une inquiétude au cœur des débats organisés lors de leur congrès annuel, qui débute ce mardi.

Le monde des HLM, qui tient à partir de ce mardi son congrès annuel à Paris, est à cran. Il craint une financiarisation du logement social, c’est-à-dire la prise de contrôle progressive de ce patrimoine par des investisseurs privés avec à la clé des objectifs de rendements. Une dérive contraire aux principes fondateurs et à la mission historique des HLM qui consiste à loger des ménages modestes et moyens à des loyers abordables.

Tout est parti d’une lettre portant la signature de quatre ministres, dont Bruno Le Maire (Economie) et Julien Denormandie (Ville et Logement). Cette missive met en place une «mission portant sur la diversification des sources de financement du secteur du logement social». Pris au premier degré, son intitulé laisse presque croire qu’il est question d’aider le monde des HLM à mieux se financer. Il n’en est rien. Lorsque l’on se plonge dans le contenu du texte de trois pages, on découvre tout autre chose. «Plusieurs investisseurs institutionnels proposent aujourd’hui de s’engager plus fortement dans le logement social», indique sans détour la lettre. Elle précise que ces institutionnels (banques, sociétés d’assurance, fonds de pensions, sociétés foncières…) souhaitent «investir dans un patrimoine de logement social ou dans une société gérant des logements sociaux, et percevoir sur le long terme un rendement».

«Moteur de progrès social»

 

Le propos a le mérite de la franchise : ces investisseurs considèrent aujourd’hui le logement social comme un placement potentiellement intéressant. C’est d’ailleurs à la demande insistante des «institutionnels» qui ont fait le siège de Bercy que le gouvernement a décidé de demander à l’Inspection générale des finances (IGF) et au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) un rapport sur le sujet. En revanche, «le monde des HLM n’a pas été consulté sur la pertinence de cette mission. Elle nous est tombée dessus, confirme à Libération Marianne Louis, directrice générale de l’Union sociale de l’habitat (USH), qui fédère tous les organismes de HLM. Nous avons été auditionnés début juin par les membres de la mission. Nous ignorons à quel moment ils vont remettre leur rapport au gouvernement. Mais nous leur avons indiqué notre opposition à toute idée de financiarisation du logement social».

Le risque est pris très au sérieux par les organismes de HLM, qui détiennent 4,6 millions de logements à loyer modéré dans lesquels habitent plus de 10 millions de personnes, soit près d’un Français sur six. Au point, que pour son 80e congrès qui débute donc ce mardi, au Parc des expositions de Paris, l’USH a décidé de faire de cette réunion un moment fort pour défendre le «modèle français» du logement social et son financement original. «Les HLM sont une chance pour la France», tel est le message qu’entendent faire passer les congressistes. «Depuis leur création, les HLM permettent à des millions de familles modestes d’accéder à un habitat de qualité, écrit dans un éditorial en vue du congrès Jean-Louis Dumont, le président de l’Union sociale pour l’habitat. […] Moteur de progrès social, les HLM constituent un des "modèles à la française" au service d’une mission sociale et de la solidarité nationale.» Un modèle qui se trouve sérieusement bousculé par une série de mesures financières et législatives prises depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. «On a toutes les raisons d’être sur nos gardes et inquiets au vu de ce qu’il s’est passé au cours des deux dernières années», souligne Marcel Rogemont, ancien député (PS), qui préside la Fédération des offices publics de HLM.

Ainsi, depuis 2018, le gouvernement pioche près de 1,5 milliard d’euros par an dans les caisses des HLM par le biais d’une baisse des APL (les allocations logement) versées aux locataires du parc social. Les bailleurs sociaux ont été contraints de la compenser intégralement par une diminution de leurs loyers. Baptisé «réduction de loyer de solidarité» (RLS), ce dispositif a mis sous tension les finances des organismes. «C’est un prélèvement considérable, une mesure honteuse. Car l’argent des HLM vient de leurs locataires, donc de ménages pauvres ou modestes», éructe le responsable d’un organisme. «Une mesure immorale, surenchérit un autre, plus un organisme compte de locataires à l’APL, c’est-à-dire pauvres, et plus il doit baisser ses loyers et voit donc ses recettes diminuer.» Les organismes concernés sont très nombreux, et les mesures mises en place par le gouvernement pour alléger le fardeau (notamment l’étalement de leurs emprunts pour lisser les remboursements annuels) sont loin de compenser leur manque à gagner.

«Processus de marchandisation»

Ainsi, la RLS coûte 8 millions d’euros par an à Lille Métropole Habitat (LMH), l’office HLM de la communauté urbaine. «Nous sommes le bailleur le plus social du territoire. Historiquement, LMH porte la question du logement des personnes pauvres et modestes. Chez nous, 67 % des locataires touchent l’APL. Nous avons donc dû diminuer les loyers de deux de nos logements sur trois. Cela a mis sous tension notre modèle économique», souligne Amélie Debrabandère, directrice générale de l’office. La plupart des grands organismes de HLM, comptent leur manque à gagner en millions d’euros. En revanche, aucune économie d’APL n’a été demandée au parc locatif privé. Les allocations logements sont versées rubis sur l’ongle y compris pour des logements indignes. Comme à Marseille, où les marchands de sommeil prospèrent avec des taudis, loués au prix du marché à des locataires pauvres : l’allocation versée n’aide pas l’occupant (à qui il reste une part importante du loyer à payer), mais le bailleur indélicat, qui peut pratiquer un loyer fort grâce à l’aide publique.

Après avoir mis en place la RLS qui siphonne les fonds propres des bailleurs sociaux, le gouvernement est passé à d’autres travaux pratiques avec la loi Elan («engagement pour le logement, l’aménagement et le numérique) adoptée à l’automne 2018. Elle oblige les organismes détenant moins de 12 000 logements à se regrouper. «Pour améliorer leur gestion», a justifié le gouvernement. Mais le texte met surtout en place une série de mesures pour les inciter très fortement à vendre une partie de leur patrimoine. Un pas que les organismes devenus financièrement exsangues, vont être amenés à franchir pour dégager des fonds afin de construire de nouveaux logements, ou réhabiliter leur patrimoine notamment sur le plan thermique. «La RLS et la loi Elan conjuguées, ont lancé le processus de marchandisation du logement social puisque le gouvernement a fait de la vente des HLM existants un outil de financement des bailleurs sociaux», estime Marcel Rogemont. Dans ce contexte, la mission nommée par le gouvernement pour étudier «la diversification des sources de financement du secteur du logement social» est perçue comme un pas de plus dans ce processus. «Son objectif est d’instiller l’idée que le privé peut devenir un opérateur dans le domaine de l’habitat social et mettre hors jeu les organismes de HLM», considère l’ancien député.

Cette financiarisation du logement a déjà été menée dans plusieurs pays européens au cours des dernières décennies. «Ce désengagement public du logement social s’est révélé en tout point catastrophique : baisse de production des logements sociaux, réduction du parc d’habitat social, difficulté d’accès au logement des ménages pauvres et des personnes aux revenus modestes, dégradation de l’habitat, hausse des sans-abri», pointe Jean-Luc Vidon, président de l’Aorif, qui fédère les bailleurs sociaux franciliens. En Allemagne, la privatisation du logement social s’est traduite par une véritable fièvre des loyers, notamment à Berlin. Angela Merkel a eu beau annoncer à l’automne 2018 un plan de 5 milliards pour construire 1,5 million de logements sociaux en quatre ans, des manifestations contre le logement cher ont rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les grandes villes d’outre-Rhin en avril. Toujours à l’automne 2018, en Grande-Bretagne, autre pays où les HLM ont été massivement privatisés, Theresa May, alors Première ministre, avait, elle, annoncé des crédits d’un montant de 2 milliards de livres (près de 2,3 milliards d’euros) pour construire des logements sociaux. «Dans le Grand Londres, sur les 300 000 HLM cédés, près de la moitié [144 000, ndlr] appartient aujourd’hui à des sociétés privées, qui pratiquent des loyers du marché», pointe Marcel Rogemont. Résultat : une crise du logement qui se traduit par une dégradation des conditions d’habitat des ménages pauvres et modestes.

Davantage de fonds propres»

Contacté par Libération au sujet des inquiétudes que suscite la «mission portant sur la diversification des sources de financement du secteur du logement social», le cabinet du ministre de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, indique que «le gouvernement a pris connaissance du rapport élaboré par l’IGF et le CGEDD ». Ce qui veut dire que le rapport a donc été remis à l’exécutif sans que les HLM n’en soient informés. Selon le cabinet du ministre, ce document «conforte le modèle français de financement du logement social, tout en explorant plusieurs pistes pour mobiliser davantage de fonds propres pour le secteur. Elles seront analysées par le gouvernement au regard de sa volonté d’accélérer la production de logements sociaux pour les plus défavorisés». Des conclusions qui ne vont pas rassurer les bailleurs sociaux.

Un financement alimenté par l'épargne populaire

Le modèle français du logement social repose sur l’épargne populaire. L’argent collecté par les banques grâce au Livret A et au Livret de développement durable et solidaire est centralisé à hauteur de 60 % à la Caisse des dépôts et de consignation (CDC). Cette manne est ensuite utilisée pour réaliser des HLM. La CDC fait des prêts aux bailleurs sociaux pour qu’ils puissent acheter des terrains à bâtir et payer les travaux de construction de nouveaux logements. Une fois un immeuble achevé, l’argent des loyers sert à rembourser les emprunts souscrits pour des durées de quarante, cinquante et même soixante ans. Ces prêts couvrent généralement 70 % à 75 % du coût d’une construction. Le reste est financé avec des fonds propres de l’organisme et des subventions. «C’est un modèle de financement stab le et solide puisqu’il a traversé les guerres, les crises et a permis de constituer depuis un peu plus d’un siècle un parc de 4,6 millions de logements sociaux», souligne Jean-Luc Vidon, président de l’Aorif, qui fédère les organismes HLM de l’Ile-de-France.

Tonino Serafini —Libération  

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6 septembre 2019 5 06 /09 /septembre /2019 17:33

Selon deux élus écologistes, dont Yannick Jadot, et deux experts du monde du travail qui s’expriment dans une tribune au « Monde », la réforme des retraites mise en œuvre par le gouvernement est socialement injuste, car elle ne prend pas en compte les critères de risques professionnels.

Même si le gouvernement a décidé d’engager un cycle de « négociations » avec les organisations syndicales et patronales ainsi qu’une consultation citoyenne, le projet de réforme des retraites, présenté en juillet et dont la « justice » serait la pierre angulaire, passe en réalité totalement à côté du sujet, tant l’équité n’est que de façade (« Pour un système universel de retraite. Préconisations de Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites », juillet 2019, voir lien PDF).

Un système de retraite ne saurait être juste si la première des inégalités, celle liée aux différences d’espérance de vie, n’entrait pas en ligne de compte.

En outre, il est totalement déraisonnable qu’à l’occasion de cette réforme on assiste encore à un recul de l’âge de la retraite – soit sous la forme d’un âge pivot de 64 ans pour bénéficier du taux plein, proposée par Jean-Paul Delevoye, soit sous la forme d’un allongement de la durée de cotisation, annoncée par Emmanuel Macron.

L’une ou l’autre de ces mesures va inévitablement compliquer le maintien dans l’emploi des salariés vieillissants en raison de la pénibilité du travail, incompatible avec l’avance en âge et la santé.

En bonne santé

Ainsi, la volonté affichée de l’exécutif qu’« un euro cotisé doit donner les mêmes droits pour tous » apparaît très réductrice dans la vraie vie pour des milliers de salarié(e)s. Ceux du bas de l’échelle sociale profiteront bien moins de leur retraite alors qu’ils auront cotisé aussi longtemps que les catégories plus favorisées ; de surcroît, ils risquent d’être exclus du monde du travail avant de pouvoir jouir de ce droit, ce qui pénalise le montant de leur pension.

 Les inégalités d’espérance de vie entre catégories socioprofessionnelles sont désormais bien connues. A 35 ans, l’espérance de vie des hommes ouvriers est de 42,6 années, contre 49 ans pour les cadres (source Insee 2016). Celle des ouvrières est de 49,8 ans, contre 53 ans pour les femmes cadres. Les écarts sont encore plus marqués si l’on considère l’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire sans incapacité : 10 ans. Et l’incapacité n’est pas l’apanage du grand âge. Un quart des années à vivre entre 50 et 65 ans le sont avec des limitations d’activité. Avec, là aussi, des différences significatives entre les ouvriers et les cadres, au détriment des premiers.

Il faut raisonner en fonction de l’espérance de vie en bonne santé rapportée à la catégorie socioprofessionnelle, et non plus en fonction de l’espérance vie globale d’une classe d’âges

Les conditions de travail jouent un rôle déterminant et direct sur ces disparités. On se souvient des dix facteurs de risque professionnel introduits dans le compte personnel de prévention de la pénibilité mis en œuvre par le gouvernement Ayrault sur la base de connaissances scientifiques : activités en milieu hyperbare, travail de nuit, travail répétitif, travail en équipes successives, exposition au bruit, exposition aux températures extrêmes, port de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques.

Une des premières mesures prises par Emmanuel Macron a été de vider ce compte d’une partie de sa substance. Exit les quatre derniers critères ! Or, ils représentent des risques importants en termes de nombre de salariés exposés et d’impact sur l’espérance de vie, notamment en bonne santé. Pour ne prendre que l’exemple des produits chimiques, pas moins de 2,5 millions de travailleurs sont exposés à des agents cancérogènes dans leur activité.

Menace de désinsertion professionnelle

Une réforme qui affiche justice et équité en matière de retraite ne peut faire l’impasse sur la question de la pénibilité du travail. Il est impératif de raisonner en fonction de l’espérance de vie en bonne santé rapportée à la catégorie socioprofessionnelle, et non plus en fonction de l’espérance vie globale d’une classe d’âges.

L’autre injustice en matière de retraite réside dans l’antagonisme criant entre la volonté de maintenir les gens en activité plus longtemps et des conditions de travail inadaptées à la population vieillissante. D’ores et déjà, un salarié sur deux faisant valoir ses droits à la retraite n’est plus en poste. Il est au chômage, en invalidité ou au revenu de solidarité active (RSA) ; dans un nombre de cas sans doute important, mais peu renseigné, il a été licencié pour inaptitude médicale. Avec peu de chances de retrouver un emploi. Un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de décembre 2017 pronostique ainsi qu’entre un million et deux millions de travailleurs seraient menacés de désinsertion professionnelle à moyen terme.

Non seulement les exigences et les contraintes de travail actuelles ne sont pas compatibles avec l’état de santé et les capacités des salariés vieillissants, mais leurs effets cumulés tout au long de la carrière ont un impact sur certaines pathologies chroniques et sur les restrictions d’aptitude. C’est notamment le cas pour les pathologies ostéoarticulaires et les affections psychiques, qui sont majoritairement à l’origine des désinsertions.

Il ne peut donc y avoir de réforme des retraites juste et équitable qui ne mette fin à cette « double peine » des salarié(e)s les plus malmené(e)s dans la vie professionnelle : des années de vie en moins et des années d’incapacité en plus.

Les signataires : François Desriaux, cofondateur de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva), journaliste spécialisé en santé au travail ; Eric Ferrère, enseignant en relations sociales à Paris-Dauphine ; Yannick Jadot, député européen EELV ; Eva Sas, ancienne députée, responsable de la commission économie, social, services publics d’EELV.

 

Tribune Le Monde, le 05/09/2019

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17 août 2019 6 17 /08 /août /2019 19:23

Le coût de la rentrée scolaire 2019 est en légère hausse par rapport à l'an dernier, mais de fortes disparités persistent, estime la Confédération syndicale des familles dans une étude publiée ce vendredi.

Fournitures et ouvrages scolaires, vêtements, matériel informatique… Si les dépenses engagées pour la rentrée scolaire à venir sont à peu près équivalentes à celles de l’an passé (+0,17%), cette stagnation des chiffres masque un déséquilibre important en fonction du niveau scolaire des enfants. C’est la conclusion d’une enquête de la Confédération syndicale des familles (CSF), une association de consommateurs qui, pour son 46baromètre, a étudié les différentes dépenses occasionnées par la scolarité tout au long de l’année. L’étude, dévoilée ce vendredi, permet de mettre en perspective le poids du coût de la rentrée dans le budget familial et les pratiques d’achat des familles, sans consigne donnée aux parents autour du choix des fournitures. Ainsi, le coût de toute une année scolaire peut aller de 842 à 1 128 euros en primaire, et de 1 436 à 1 542 euros au collège et au lycée. «Des moyennes qui montrent que la scolarité n’est pas gratuite», selon la présidente de la CSF, Marie-Françoise Martin.

Le logement, un «gouffre financier»

En primaire, le coût de la rentrée stricto sensu est hétérogène d’un niveau à l’autre. Pour la classe de CP, il se situe autour de 160 euros. Pour le cours moyen, le budget rentrée s’élève à 200 euros, et augmente de 3% par rapport à 2018. C’est au collège que les dépenses pour commencer l’année sont les plus importantes : alors que le budget avait baissé entre 2017 et 2018, il repart à la hausse pour l’année 2019, avec un montant moyen de 361 euros en classe de sixième. Selon Johan Jousseaume, secrétaire confédéral à la CSF, cette augmentation s’explique avant tout par le budget alloué aux équipements sportifs : «Les enfants grandissent fortement au collège. Il est possible qu’ils changent de taille dans l’année et ça entraîne un investissement supplémentaire. Parfois, l’établissement demande aussi aux élèves d’avoir deux paires de basket.» L’étude montre aussi l’attrait des vêtements de marques chez les jeunes. Avoir des chaussures ou un survêtement siglés est un moyen de se valoriser vis-à-vis de ses camarades. «Il ne faut pas nier cet impact. Les marques sont proactives pour inciter les jeunes à acheter ce genre de produits, affirme Johan Jousseaume. Les affaires de sport, qui sont aussi parfois les habits portés en classe, représentent un enjeu entre les enfants eux-mêmes. Elles sont un marqueur social.»

L’étude montre aussi qu’au niveau territorial, les inégalités persistent. Pour Annie Giroud, responsable politique du secteur éducation à la CSF, «le transport scolaire reste un facteur lourd et très inégal d’un bout à l’autre du territoire. L’harmonisation du réseau dans certaines régions s’est faite aux dépens de la gratuité que pratiquaient certains départements. Le constat est le même pour la restauration scolaire». En conséquence les tarifs sont très variables d’un territoire à un autre. Et parmi les autres dépenses lourdes, l’association de consommateurs pointe le coût de l’habitat pour les élèves du supérieur. Ainsi à Paris, le prix moyen d’un logement étudiant est de 873 euros par mois, contre 340 euros au Mans. «Certains doivent renoncer à leur choix d’étude car c’est un gouffre financier qui les angoisse trop», pointe Annie Giroud. Alors que les montants d’inscription en 2019 pour les étudiants non-boursiers sont équivalents à ceux de l’année passée, la CSF rappelle que dès la rentrée prochaine, les nouveaux étudiants venant de pays hors de l’Union européenne devront s’acquitter de 2 770 euros pour s’inscrire en licence et de 3 770 euros en master. «Un montant 15 à 16 fois supérieur aux autres pays européens», soulignent les auteurs de l’enquête. «On ne naît pas égaux, déplore la responsable politique du secteur éducation. Ça se vérifie tout au long de la scolarité en particulier.» 

Dispositif «BYOD»

Selon le baromètre du numérique 2018, près de 94% des Français possèdent un téléphone portable, 41% une tablette et quatre personnes sur cinq ont un usage quotidien d’Internet. Une numérisation de la société à laquelle l’école, de la maternelle au lycée, n’échappe pas, et qui devient une nouvelle source d’inégalité. D’ici 2020, le gouvernement veut des lycées 100% numériques. Mais le grand plan numérique lancé par François Hollande, qui avait pour objectif de fournir gratuitement une tablette à tous les élèves en collège, a été abandonné au profit du dispositif «BYOD» («bring your own device», ramenez votre propre matériel), qui implique que les familles investissent elles-mêmes dans ce matériel informatique, alors qu’elles n’en ont pas forcément les moyens.

Pour les soutenir, une allocation de rentrée scolaire (ARS) sera versée le 20 août aux foyers ayant au minimum un enfant scolarisé et âgé de 6 à 18 ans. Pour cette année, l’ARS a été revalorisée de 0,3% et concernera environ 3 millions de ménages aux revenus modestes. Elle est désormais de 368,84 euros pour les élèves de 6 à 10 ans, de 389,19 euros pour les 11-14 ans et de 402,67 euros pour les 15-18 ans. «Pour les premières classes, le coût de la rentrée scolaire est bien pris en charge, mais il est à peine suffisant au collège et complètement insuffisant au lycée. L’ARS ne doit pas prendre en compte l’âge mais bien le niveau scolaire», estime Johan Jousseaume. La CSF demande aussi une TVA à 5,5% pour les fournitures scolaires, considérant qu’il s’agit de produits de première nécessité. Pour Aminata Koné, secrétaire générale de la CSF, «la lutte contre la pauvreté que l’Etat entreprend ne peut se résorber que si on lutte aussi contre les inégalités», notamment territoriales.

Libération Charles Delouche — 16 août 2019

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20 juin 2019 4 20 /06 /juin /2019 23:38

Le secrétaire général de la CFDT dénonce le contenu de la réforme de l’assurance chômage dévoilée mardi. Pour lui, «on va passer d’un système d’indemnisation à un système d’accroissement de la pauvreté».

Mardi, il était sorti furieux de Matignon après la présentation de la réforme de l’assurance chômage. Une scène rare, si ce n’est inédite, depuis que Laurent Berger est à la tête de la CFDT. A chaud, il s’était indigné contre un projet «profondément injuste». Deux jours plus tard, il a reçu Libé au siège du syndicat pour revenir sur cette réforme qu’il juge «extrêmement dure».

Votre colère concernant cette réforme est-elle toujours intacte ?

C’est une vraie colère. Quand j’étais conseiller en insertion professionnelle, j’ai trop vu de gens précaires pour feindre. Là, si je suis particulièrement en colère, c’est que cette réforme n’a qu’un objectif budgétaire. L’essentiel des 3,5 milliards d’économie va se faire sur le dos des chômeurs. Elle repose sur l’idée fausse que s’ils le voulaient vraiment, les chômeurs retrouveraient du boulot. Or toutes les études montrent que les abus ne dépassent jamais 15% des demandeurs d’emploi. On fait quoi pour les 85% d’autres? On fait payer à tous les conditions d’indemnisation.

Qu’est-ce qui pose problème dans cette réforme ?

Tout, à l’exception des dispositifs d’accompagnement, est problématique. Prenons les conditions d’accès à l’assurance chômage : elles passent à six mois au lieu de quatre auparavant. C’est une mesure purement budgétaire qui va toucher les jeunes et les contrats courts. Ça représente 240 000 personnes qui n’auront pas droit à l’indemnisation. Ils sont en train de créer des trappes à pauvreté. On va passer d’un système d’indemnisation chômage à un système d’accroissement de la pauvreté.

Quelle réforme auriez-vous souhaité ?

Mais il n’y avait pas besoin d’une réforme de l’assurance chômage, on l’avait faite en 2016 ! On avait alors fait 800 millions d’économies. On a toujours respecté nos engagements de gestionnaires, mais jamais en tapant sur les chômeurs.

Le gouvernement a aussi introduit le bonus-malus que vous défendiez depuis longtemps. Mais seulement dans sept secteurs d’activité. Vous êtes-vous senti trompé ?

En l’état, le dispositif est totalement insuffisant. On réclamait une mesure de responsabilité des entreprises mais le patronat a refusé de négocier. Donc on a dit au ministère du Travail : c’est bonus-malus pour tout le monde. Or il ne va concerner que 34% des contrats courts. Dans son livre Révolution, Emmanuel Macron promet le «bonus-malus pour tout le monde» et «pas de dégressivité». La promesse n’a pas été respectée.

Aujourd’hui, cette mesure est pourtant présentée comme celle qui équilibre la réforme…

Le gouvernement met en avant la nécessaire transition écologique et la justice sociale. Or les premières mesures après le discours de politique générale, ce sont ces mesures injustes sur l’assurance chômage. Donc oui, c’est difficile pour nous de combattre ce double discours…

Comment contester cette réforme désormais ?

Dans les conclusions du grand débat, 53% des gens pensaient que pour réduire les dépenses publiques, il fallait toucher aux allocations sociales. Donc je ne vais pas faire rêver à un grand soir. D’autres le feront, pas moi. On va organiser le 25 juin un rassemblement devant le ministère du Travail avec l’Unsa, la CFTC, la CGC, la Fage et des associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. C’est symbolique, c’est pour dire : on n’est pas dupe. A chaque fois qu’une décision sera injuste, la CFDT sera là pour le dire. Et selon les sujets, on se mobilisera. Mais la mobilisation revêt des formes différentes, selon la capacité de construire le rapport de forces.

A aucun moment vous n’avez envisagé une action commune avec, notamment, la CGT ?

La CGT va manifester devant l’Unédic, qui gère le système d’assurance chômage, le 26 juin. Elle se trompe de cible. Rappelons quand même qu’ils n’ont jamais signé un accord sur l’assurance chômage et ont toujours considéré que c’était à l’Etat de faire. Eh bien voilà, c’est la fin de l’histoire : l’Etat gère. Et il le fait comme il l’entend… et c’est moins en faveur des demandeurs d’emplois que les compromis passés entre partenaires sociaux.

Il n’y a donc plus de marge de manœuvre ?

Hélas, je ne crois pas. Il y aura un décret dans l’été. Je pourrais vous dire qu’on va mettre demain 3 millions de personnes dans les rues, mais ça ne serait pas vrai, ne rêvons pas. Vous n’avez jamais assisté à des dîners avec des amis où certains parlent de «celui qui abuse» ? C’est tellement ancré. C’est pour ça qu’on n’arrive pas à mobiliser sur cette question des chômeurs. C’est dangereux, je suis persuadé qu’une société s’élève quand elle s’occupe de ceux qui sont le plus en difficulté et leur permet de s’en sortir.

Que faire alors ?

Il faut incarner davantage. On veut rendre visibles les demandeurs d’emploi, parce que cette réforme n’est pas du tout à hauteur de femmes et d’hommes. Nous voulons permettre aux chômeurs de s’exprimer. Cela peut avoir de la puissance de dire «voilà ce que cette réforme va produire». C’est aussi un des engagements du «Pacte du pouvoir de vivre» que nous défendons : évaluer les politiques publiques à l’aune de leur effet sur les 10% les plus pauvres de notre pays. Nous ne sommes pas découragés.

Pour les précaires, ça reste difficile de se mobilier. Les syndicats en font-ils suffisamment ?

La CFDT a en son sein beaucoup de chômeurs. Mais nous n’organisons pas spécifiquement les demandeurs d’emploi car le chômage est, normalement, une situation passagère. Dans les accords successifs de l’assurance chômage, la CFDT a toujours porté la voix des plus précaires.

Et pour les travailleurs précaires justement, les abonnés aux CDD ?

Nous nous en occupons de plus en plus dans les entreprises. Avec la mise en place du comité social et économique, la nouvelle instance représentative du personnel, les salariés de la sous-traitance peuvent compter dans l’effectif des entreprises. Dans les boîtes, les élus portent désormais les préoccupations de ces travailleurs du nettoyage, du gardiennage. D’autres équipes syndicales font du gros boulot sur la titularisation des intérimaires, en allant parfois en justice. Si le syndicalisme ne s’intéresse pas encore plus à ces publics précaires, il sera en faute, il perdra une partie de sa raison d’être.

Cet individualisme rampant n’offre-t-il pas un boulevard au gouvernement pour faire exploser la protection sociale ?

Quand le consentement à la solidarité recule, c’est l’individualisme qui progresse. Et ça offre un boulevard à tous ceux qui pensent que la protection sociale devrait être un filet minimal de sécurité. C’est l’inverse de la philosophie de 1945, à savoir l’idée que chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

Si la protection sociale est en danger, cela veut dire que sur la réforme des retraites vos inquiétudes sont grandes ?

Non, parce que sur ce dossier il y a eu une concertation. Si le gouvernement a la même logique à l’égard de nos propositions que sur ce précédent dossier, c’est-à-dire d’en avoir rien à faire, évidemment, nous serons en opposition. Mais nous ne serons pas de ceux qui diront que tout est à jeter et qu’il faut déjà faire des mobilisations sur une réforme dont on ne connaît même pas le début.

Une des dernières grandes mobilisations syndicales portait sur les retraites. C’était en 2010…

C’est aussi le dernier grand échec syndical. La réforme est passée malgré la mobilisation, et il y a eu beaucoup de perte pour le syndicalisme. Par contre, en 2013, sans aller dans la rue, nous avons obtenu l’instauration du compte de la pénibilité. La mobilisation syndicale ne se résume pas à des cortèges.

Cette réforme a-t-elle été prise par des gens hors sol ?

En tout cas elle est hors réalité quotidienne vécue par ceux qui subissent la précarité. Chaque semaine, je vais au moins une fois sur le terrain pour discuter avec les militants dans les entreprises. Un certain nombre d’éditorialistes mais aussi d’acteurs politiques devraient le faire plus souvent.

A force, face à ces réformes qui se font sans prendre en compte l’avis des syndicats, vous n’êtes pas déçu ?

Les militants d’entreprise ne choisissent pas leur patron. C’est la même chose avec un gouvernement… C’est vrai que cela faisait au moins cinq ou six ans que je n’avais pas autant eu les nerfs. Mardi, j’avais la boule au ventre, car je sais qui sont les chômeurs qui seront touchés, je les connais. Evidemment, on est tenté de se dire que face à des gens qui ne comprennent pas les réalités, cela ne sert à rien de se battre. Mais on a choisi d’être militants. Parfois on prend des coups, mais on doit continuer de se battre. Et tant qu’on pourra discuter, on discutera.

Libération Par Amandine Cailhol et Gurvan Kristanadjaja — 20 juin 2019

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3 mai 2019 5 03 /05 /mai /2019 23:06

Vous réclamiez depuis des mois un « Grenelle du pouvoir de vivre ». Edouard Philippe vous réunit lundi à Matignon. Vous êtes satisfait ?

Nous avons en tout cas été entendus sur le fait qu'il fallait une inflexion sur la méthode. Aujourd'hui, quand j'écoute le président de la République ou le Premier ministre, j'entends parler davantage des corps intermédiaires et de la confrontation avec eux pour faire émerger des solutions. Nous disons chiche. A la CFDT, nous ne sommes pas naïfs mais, quand une porte s'entrouvre, on n'a pas l'habitude de faire demi-tour. On la pousse pour l'ouvrir en grand.

Qu'attendez-vous de ce rendez-vous ?

A la fois des mesures à hauteur de femmes et d'hommes et l'organisation d'une confrontation des idées pour construire des propositions permettant de faire face aux défis sociaux et écologiques. Nous avons besoin de réponses extrêmement concrètes à nos revendications. Nous allons pousser les 66 propositions du pacte pour le pouvoir de vivre que nous avons signé avec 18 autres syndicats, associations et ONG. Nous voulons obtenir l'obligation pour les employeurs d'attribuer une prime de transport obligatoire pour les salariés en l'absence de négociation d'un accord de mobilité, un encadrement des rémunérations dans les entreprises, des aides au logement renforcées pour les salariés ou encore un pacte de mobilité pour les jeunes.

Par ailleurs, nous avons constaté un manque de souffle sur la question écologique lors de l'intervention du chef de l'Etat. Il faut que très vite, nous nous mettions au travail pour construire des mesures concrètes sur ce sujet. L'exécutif parle de « pacte productif pour le plein emploi » à l'horizon 2025. Il faut travailler à la construction d'un nouveau modèle non seulement productif mais aussi concernant les déplacements ou le logement sur lequel nous avons besoin d'un investissement massif.

Les élus et les associations environnementales sont aussi invités. Ne craignez-vous pas que cela rendre encore moins audible la voix des syndicats ?

Lundi, c'est le lancement d'un processus qui ne doit oublier personne. Les partenaires sociaux sont évidemment particulièrement concernés, mais, par exemple sur la transition écologique, l'implication des territoires et des associations environnementales est nécessaire tandis que sur les questions de pauvreté - absentes du discours d'Emmanuel Macron -, les associations de lutte contre l'exclusion ont leur mot à dire. Les configurations doivent varier selon le sujet. A condition bien sûr qu'il y ait un vrai dialogue, qu'on ne nous réunisse pas pour nous annoncer des décisions mais pour y travailler. C'est ce que nous demandons.

Le chef de l'Etat veut intégrer 150 citoyens tirés au sort au Conseil économique, social et environnemental. Et un groupe de travail constitué sur ce principe va faire des propositions sur la transition énergétique en décembre. Qu'en pensez-vous ?

Pourquoi pas ajouter une démocratie participative aux démocraties politique et sociale via le Cese. Si cela se fait comme dans les pays nordiques - je pense en particulier à l'Islande -, et comme a commencé à l'expérimenter le Conseil économique, social et environnemental, ça peut être intéressant. C'est une autre façon d'irriguer la démocratie.

Mais les groupes citoyens ne peuvent être la réponse à tout. La société est traversée d'intérêts contradictoires qui doivent se confronter. C'est le rôle des corps intermédiaires. Il ne faut pas que le travail soit fait à la va-vite en les court-circuitant.

L'exécutif promet une baisse de l'impôt sur le revenu. Est-ce pour vous la bonne réponse au ras-le-bol fiscal ?

Pour la CFDT, la priorité doit être de baisser la fiscalité indirecte et d'augmenter la fiscalité directe, plus juste. Cette baisse de l'impôt sur le revenu pour les plus basses tranches n'en répond pas moins à une demande de pouvoir d'achat. Mais attention à ce qu'elle ne s'accompagne pas d'une dégradation du service public.

Pour financer la mesure, cela aurait eu du sens d'imposer plus fortement les plus hauts revenus mais nous prenons acte de la décision du gouvernement de supprimer les niches fiscales des entreprises inefficaces. Dans ce cadre, on le voit bien sur Auchan, nous avons un problème sur le CICE du fait de l'absence d'obligation de contrepartie des entreprises en matière d'emploi (effectifs, qualité, investissements…).

Le 1er Mai a échappé aux syndicats. Cela vous inquiète-t-il ?

D'abord, je suis soulagé qu'il n'y ait pas eu trop de blessés et aucun mort. Je voudrais aussi souligner que pour ce 1er Mai comme pour les autres, il y a eu beaucoup de fonctionnaires qui ont travaillé. Forces de l'ordre, personnel hospitalier, agents municipaux… La journée a été dure pour eux et je veux leur dire toute ma solidarité.

Ceci étant dit, c'est vrai que ce 1er Mai qui est normalement une journée festive pour les travailleurs leur a été confisqué par des extrémistes violents même si, en dehors de Paris, la plupart des manifestations ou initiatives diverses ont conservé leur esprit convivial. Il est regrettable que mercredi, on n'ait pas beaucoup entendu parler des revendications sociales, européennes à quelques semaines d'une élection majeure pour l'Europe.

Le 9 mai, la CFDT, avec les syndicats, appelle les fonctionnaires à une journée d'action. Ne craignez-vous pas un échec de la mobilisation ?

La CFDT a essayé de faire bouger le texte et obtenu certaines avancées. Nous accueillons positivement la porte ouverte par le secrétaire d'Etat à la Fonction publique pour une prime de précarité versée aux CDD, comme dans le privé. C'est une revendication que nous portons depuis longtemps et pour laquelle nous avons déposé des amendements refusés par le gouvernement. Nous souhaitons que cette prime concerne tous les CDD et nous continuerons à oeuvrer dans ce sens mais il reste encore beaucoup à faire.

Si on peut se réjouir du renoncement annoncé à l'objectif de 120.000 suppressions de postes sur le quinquennat, le gouvernement doit comprendre qu'il ne pourra réussir à faire ses maisons de service public que la CFDT a demandées qu'avec le soutien des fonctionnaires qui ont, aujourd'hui, un sentiment de profond délaissement.

Une suppression de l'ENA, en tout cas dans sa forme actuelle, est envisagée…

Supprimer l'ENA serait une réponse démagogique flattant le sentiment anti-élites nauséabond. Il faut arrêter de taper sur les hauts fonctionnaires qui sont les garants de la continuité de l'Etat. Si on supprimait l'ENA, je vous parie que le résultat serait inverse à celui escompté avec davantage de reproduction sociale, plus de hauts fonctionnaires issus d'autres grandes écoles privées très chères et encore plus éloignés des réalités françaises. J'espère que Frédéric Thiriez, à qui a été confiée une mission sur le sujet, tordra le cou à un tel projet. En revanche, je pense qu'il faut réformer l'ENA pour diversifier davantage le profil des élèves par exemple.

Vous avez signé avec la CFTC une tribune avec le patronat français sur l'Europe. La question européenne est donc consensuelle pour vous ?

Aujourd'hui, dans le cadre du socle européen des droits sociaux, il y a une fenêtre pour la relance du dialogue social au niveau européen que nous devons saisir. Et si les europhobes l'emportent le 26 mai, nous serons en difficulté là-dessus comme sur beaucoup d'autres choses. Cette tribune porte sur une ambition de progrès social européen. Je regrette que, pour des raisons de posture, les autres syndicats français ne se soient pas associés à l'initiative comme cela s'est fait en Italie par exemple.

Je me félicite qu'à la CFDT, la question européenne soit abordée aujourd'hui de façon apaisée. Nous ne sommes ni dans le statu quo ni dans le rejet de l'Europe. Nous avons conscience que sur nombre de sujets, comme la transition énergétique ou le travail détaché, c'est à ce niveau qu'il faut agir.

Vous allez prendre la présidence de la Confédération des syndicats européens fin mai. Pourquoi ?

Parce que les autres syndicats en Europe l'ont souhaité. Je crois que la Confédération européenne des syndicats (CES) doit être un instrument essentiel pour que les travailleurs ne soient pas les oubliés de l'Europe. Je m'engagerai pleinement pour une Europe sociale, écologique et démocratique. Une Europe qui fasse prospérer un modèle économique et social respectant la planète, une Europe accueillante envers les migrants.

En tout cas, cela ne ravit pas tout le monde en France. Vous avez été hué par des cégétistes vendredi dernier, lors de la manifestation européenne qui s'est déroulée à Bruxelles…

C'était navrant pour l'image de la CGT envers les autres syndicats européens. Personne n'a compris cette attitude scandaleuse. Si on veut l'union syndicale, on respecte les autres organisations.

Vous défendez aussi au niveau européen le développement du dialogue social. Comment comptez-vous vous y prendre alors que le patronat européen y est franchement hostile ?

La CES doit être beaucoup plus offensive pour contraindre le patronat européen de négocier. On fait avec le patronat qu'on a. Je ne désespère pas de convaincre Pierre Gattaz, qui est aujourd'hui à la tête de Business Europe, d'avoir une approche du dialogue social européen différente de celle qu'il avait au niveau français.

Leïla de Comarmond

Publié par les Echos, le 3 mai 2019

https://www.lesechos.fr/economie-france/social/laurent-berger-nous-avons-besoin-de-reponses-extremement-concretes-a-nos-revendications-1015928

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4 février 2019 1 04 /02 /février /2019 08:30

La 24e édition du rapport annuel sur "L’État du Mal-logement" de la Fondation Abbé Pierre livre une nouvelle description de la crise du logement. Au total, près de 15 millions de personnes sont touchées, à un titre ou à un autre, par la crise du logement, quelles soient mal logées ou fragilisées par rapport au logement.  Si le marché de l’immobilier affiche une bonne santé générale, 4 millions de personnes restent mal logées ou privées de domicile, tandis que 12 millions voient leur situation fragilisée par la crise du logement :   menacés d’expulsion, en copropriété dégradée, en surpeuplement modéré, subissant la  précarité énergétique. Tout cela dessine une France du mal logement très vaste car c’est près d'un cinquième de la population qui  est donc concerné par un problème de logement dans notre pays.

 

Si 70 000 personnes sans domicile ont pu être relogées ces dernières années, ce qui est un chiffre en augmentation,  leur nombre global augmente. Il y en a qui s’en sortent mais plus encore qui tombent à la rue.

 

La fondation Abbé Pierre pointe particulièrement cette année les personnes qui sortent d’institutions elles-mêmes déjà en crise (aide à l’enfance, prison, hôpital psychiatrique) sans accompagnement, sans aide, sans soutient et qui pour une grande part se retrouvent à la rue. Cela les lance dans la vie avec de grandes difficultés de logement. L’insertion, la réinsertion leur sont de fait interdit.

 

Le mal-logement s’inscrit dans un contexte de montée de la pauvreté et de creusement des inégalités. Après la déception liée au non-plan banlieues (qui n’avait pas repris les conclusions du rapport Borloo), le plan de lutte contre la pauvreté,  présenté finalement en septembre 2018 par le Président de la République, était donc très attendu. Il visait à s’attaquer aux « inégalités de destin»  et à agir à la racine des processus d’exclusion. De nombreuses mesures du Plan pauvreté semblent d'ailleurs aller dans le bon sens : éviter la reproduction générationnelle de la pauvreté (ex : places réservées en crèche, dédoublement des classes de CP et CE1 en REP), éviter les sorties sans formation du système scolaire.  Mais le logement en est le grand absent, comme il est le grand absent des grands débats proposés ces temps-ci par le Président de la République. Une lacune assez inexplicable alors que les dépenses contraintes (celles qui sont engagées dès que commence le mois) ne cessent de s’alourdir et pèsent de plus en plus sur les ménages modestes (ils y consacrent 40 % de leur budget) et pauvres (60 % de leur budget).

Plus fondamentalement, l’impact des mesures du plan pauvreté risque d’être fortement réduit par la politique générale du gouvernement, notamment sur le plan économique et fiscal. Traiter la pauvreté d’un côté,  contribuer à l’accentuer d’un autre, ne peut déboucher que sur une impasse. Et on sait que des mesures spécifiques visant les ménages pauvres et modestes — toujours utiles — pèsent moins que les mesures fiscales de redistribution plus globales dans la lutte contre les inégalités.

 

Il faut donc des moyens.

 

Il faut des heures pour arriver à joindre au téléphone Samu social (le fameux 115) qui est débordé. Les services des préfectures ne répondent plus, laissant de nombreuses familles, ou personnes isolées, majeures et mineures, scolarisées ou pas, dans des situations catastrophiques dans un pays tel que le notre. Cela ne peut durer.

 

Le gouvernement a mis en œuvre un plan logement, entré en 2018 dans sa phase opérationnelle, intéressant dans sa philosophie. Ce plan consiste à faire passer les personnes sans domicile directement vers un logement sans passer par les strates intermédiaires  qui sont très précaires(de type foyer). Mais en même temps, dans un contexte social et politique défavorable,  le gouvernement a procédé à des coupes budgétaires majeures dans la politique du logement comme aucun autre ne l’avait fait avant. Coupes dans les APL (4 milliards par an, 12 milliards en 3 ans), coupes sur les bailleurs sociaux qui auront des effets massifs : à terme, la Réduction  des Loyers de Solidarité (RLS) amputera les deux tiers de l’autofinancement net des bailleurs sociaux réduisant à peau de chagrin les fonds propres nécessaires à l’investissement. Le gouvernement a ainsi invité les bailleurs à vendre 1 % de leur parc chaque année, soit 40 000 logements. Une injonction particulièrement dangereuse à l’heure où plus de deux millions de ménages sont en attente d’un logement social. Ainsi, la production de logements sociaux et très sociaux va mécaniquement être divisée par deux dans les prochaines années. Ces tentations de marchandisation à terme du parc social pourraient remettre en cause son statut de patrimoine de la nation, de bien commun pérenne sanctuarisé, sans but lucratif, destiné à mettre en œuvre le droit au logement et la mixité sociale.

 

Ces arbitrages - fort peu redistributifs - s’inscrivent dans une philosophie de la société inégalitaire plus ou moins assumée. L’exécutif n’a certes jamais attaqué frontalement «l’assistanat » ou les immigrés comme on avait pu le connaître par le passé, mais il renvoie à des images de la société discutables, qui laissent implicitement planer l’idée qu’il ne serait pas pertinent d’aider davantage les plus pauvres, mais très efficace de relâcher la pression sur les plus aisés. La vision de la pauvreté semble aussi régulièrement  distinguer les bons et les mauvais pauvres, dans une approche finalement très traditionnelle du traitement de la pauvreté oscillant entre l’aide et  la sanction.

 

La vulnérabilité énergétique des classes populaires et moyennes, et la question de leur pouvoir d’achat grevé par des dépenses énergétiques étouffantes pour se déplacer ou se chauffer. Si l’accent a plus souvent été mis sur les dépenses de carburant que sur le coût du chauffage du logement, il faut souligner que les dépenses énergétiques pour se chauffer pèsent moitié plus que les dépenses de carburant dans le budget des Français.

 

Le mal logement est-il une fatalité ? Non, mais il faut mettre les moyens adéquats. L’Etat peut davantage redistribuer les richesses, notamment autour de l’immobilier car l’immobilier est un facteur d’accroissement des inégalités.  Il y a des gens qui s’enrichissent grace à la hausse des prix de l’immobilier, et il y en a d’autres qui en pâtissent. Cela veut dire aussi modifier la fiscalité sur les successions, sur les transactions, et aussi ajuster au mieux la taxe foncière de manière à financer toutes les dépenses publiques dont on a besoin pour combattre le mal logement.

 

Le gouvernement doit donc revenir sur certains de ses choix du début du quinquennat, qui sont des mauvais choix. Et reconnaitre ses erreurs. Il n’y a pas de honte à cela.

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9 décembre 2018 7 09 /12 /décembre /2018 17:36

Anne de BEAUMONT est conseillère municipale écologiste à Firminy et conseillère métropolitaine à Saint-Étienne Métropole. Elle vient d’adresser ce texte, ce samedi 8 décembre, à l’ensemble des élu.e.s écologistes adhérents à notre fédération (La FEVE) pour partager son combat de longue haleine. C’est un sujet sensible, émouvant par ses dimensions profondes et ses enjeux de santé publique. Anne m’a donné son accord pour le publier sur mon blog. Je l’en remercie.

 

« Ce jour il y avait l'inauguration du nouveau crématorium inter-communautaire ( plusieurs EPCI ont porté ce projet ) à St Etienne. Et je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous, la satisfaction
d'avoir gagné une petite victoire (après des années où je me suis mobilisée sur cette question peu connue et sensible)

Je voudrais vous parler du sort des bébés mort nés ( hélas, avec la santé environnementale, nous constatons une augmentation des bébés mort nés ou des fausses couches).

Aujourd'hui, cette question des bébés morts nés et des fausses couches est encore tabou … et pas bien traitée d'un point de vue de notre société : à l'hôpital, dans les communes ( Services état civil, cimetière, crématorium, ...)  et dans les familles.

Comme certains d'entre vous, vous siégez dans le Conseil de Surveillance de l'hôpital de votre commune, je vous encourage à demander comment est  traitée cette question des bébés mort nés dans votre hôpital ! et au Service d'état civil ! Et au cimetière !

Je travaille en milieu hospitalier et j'ai du me battre contre cette pratique épouvantable qui existait au début de mon activité de responsable des Services logistiques ( dont la morgue) ;   souvent les bébés mort nés plongent les parents dans un drame terrible , parfois si insupportable que les parents ne peuvent / ne veulent pas voir le corps du bébé mort et ils demandent dans leur douleur, que l'hôpital éloigne la source de leur souffrance et que soignants et administratifs nous occupions de tout au moment du décès . Cela concerne l’évacuation du corps du bébé et la suite ... Et hélas la suite, n'est pas ce que vous pourriez imaginer : à savoir la pose  du petit corps dans
une petite boite mortuaire, puis une cérémonie d'enterrement / de crémation de ce corps de bébé.

Souvent les familles,  encouragées par un message ambiant trop fréquent où la perte d'un fœtus, d'un bébé mort né n'est pas reconnue comme un deuil et  où il leur est dit " t'inquiètes, tu feras un autre enfant! " , ont du mal à accepter de faire une démarche de deuil de ce bébé mort trop tôt. Et ils demandent à la sage femme et à l'administration de tout prendre en charge. Ce qui signifiait dans mon hôpital et je crains dans d'autres hôpitaux, que le petit corps était considéré comme " un déchet
hospitalier" qui partait avec les déchets anatomiques ( seins , membres amputés, ..)  à l'incinérateur, mélangé avec les autres déchets incinérés,  avec impossibilité d'isoler les cendres de ce bébé mort.

Donc deuil et travail de mémoire impossibles pour ces parents. Nous avons vu souvent des mamans, faire des dépressions après ces deuils mal accompagnés. Ou des enfants,  nés après l'enfant mort, prendre le prénom de ce mort : ils sont donc conçus sur un trou, un vide, ... et ces enfants conçus pour combler un vide, sont souvent victimes de conduite addictives fortes à l'adolescence ou à l'âge adulte. Donc enjeu de santé publique pour les parents et pour les enfants de la fratrie impactée par
ce décès.

Pour faciliter le travail du deuil de ces bébés mort nés, il importe de sensibiliser l'ensemble de la chaîne sur ces enjeux décrits.

Il importe que l'hôpital accepte de financer une crémation pour les parents qui ne veulent pas s'occuper de ce petit corps (et ça coûte plus cher que de le traiter comme un déchet anatomique, donc ce sont des dépenses supplémentaires pour l’hôpital.  

 

Et l'autre bout de la chaîne est d'obtenir que les services municipaux ou funéraires privés, acceptent de ne pas facturer la crémation d'un bébé mort né pour encourager les familles à faire cette crémation du petit corps avec les cendres de ce bébé au jardin du souvenir ( différent des cendres mélangées dans l'incinérateur global)  et ne pas décourager les services administratifs face à la facturation de cette crémation qui leur retombait dessus si les familles refusent.

En ce jour d'inauguration de ce nouveau crématorium, il a été officialisé par le Président de la métropole que ma proposition soit validée, à savoir que les bébés mort nés pourraient être mis en crémation sans facture pour les familles.

J'avais fait une explication très précise de ce dossier bébés mort nés, à l'occasion de la Commission d’appel d’offre (CAO) chargée de choisir l'architecte et l'entreprise responsables de la construction de ce nouveau crématorium. Ces explications avaient marqué le Président de la métropole et un débat a eu lieu en CA de la SPL qui gère ce crématorium et le principe de la gratuité pour ces cas spécifiques a été acté.

SUPER !!!

Merci de voir si vous pouvez obtenir ceci dans votre crématorium !!!"

Je ne sais pas comment cela se passe à l’hôpital de Colombes, aux pompes funèbres de Colombes, et au service état-civil de la mairie de Colombes, mais je trouve que s’interroger ce sujet porté par ma collègue de Firminy permet de grandir dans sa tête sur un sujet qui n’est pas, à priori, facile à traiter.

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7 décembre 2018 5 07 /12 /décembre /2018 19:59

Rien à ajouter à cette déclaration de la CFDT de mercredi dernier qui rejoint sur de nombreux aspects les constats et les propositions des écologistes

 

En réponse au mouvement des gilets jaunes, le gouvernement a annoncé l'annulation de la hausse de la taxe sur les carburants et veut lancer une grande concertation relative à l’écologie. Les propositions de la CFDT, elles, sont déjà sur la table.

 

« Il y a urgence à renouer le dialogue », avait averti Laurent Berger. Dès le début du mouvement des gilets jaunes, le secrétaire général de la CFDT a rappelé l’urgence d’apporter des réponses concrètes aux fractures sociales et territoriales qui clivent notre pays et demandé au gouvernement de réunir rapidement les syndicats, les organisations patronales et les associations pour construire un pacte social de la conversion écologique. Il a été entendu.

« Ni content ni déçu, mais mobilisé », a-t-il déclaré en sortant de l’Élysée, le mardi 27 novembre à la suite de la réunion organisée par le président de la République sur la transition énergétique. Devant les partenaires sociaux, les élus, les experts et les associations, Emmanuel Macron a présenté la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui doit fixer dans la loi la politique énergétique de la France d’ici à 2028 et demandé aux acteurs de faire des propositions « pragmatiques » dans le cadre d’« une grande concertation sur l’écologie » qui doit aboutir à « un agenda des solutions » dans les trois mois. Dans la foulée du discours présidentiel, le Premier ministre a reçu pendant deux jours l’ensemble des collèges qui composent le Conseil national de la transition écologique : collectivités territoriales, parlementaires, organisations syndicales et patronales, représentants de la société civile.

 

Redonner leur place aux corps intermédiaires

 

Pour le numéro un de la CFDT, c’est peut-être – enfin – un changement de méthode. Depuis dix-huit mois, Laurent Berger n’a cessé d’interpeller sur le risque encouru par le gouvernement à vouloir se passer des corps intermédiaires : « Face à une colère légitime de la part d’une partie de la population, il faut des mesures concrètes construites dans les territoires, pas des kits clés en main fournis par l’État. » Alors, s’il salue cette ouverture, il espère surtout que les propositions portées de longue date par la CFDT, avec d’autres acteurs, en faveur d’une transition écologique socialement juste, seront entendues. Il s’agit de s’engager vers un nouveau modèle de développement qui concilie les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Dans cette perspective, il faut commencer par fixer des objectifs atteignables. Mardi 27 novembre, la CFDT a fait connaître ses propositions pour « un pacte social de la conversion écologique » qui intègre à la réflexion les besoins des citoyens. Et au Premier ministre, le vendredi 30 novembre, Laurent Berger a redit qu’il fallait des mesures rapides et tangibles : « On n’entre pas dans un processus de concertation s’il n’y a pas de marges de manœuvre concernant des mesures réelles pour les travailleurs. »

 

Élaborer une politique de transports à la hauteur

 

La CFDT revendique un droit à la mobilité. Dans l’immédiat, cela passe par la mise en place d’un chèque mobilité destiné à tous ceux qui ne peuvent se passer de leur voiture et qui n’ont pas les moyens d’opter pour un « véhicule propre ». Surtout, cela nécessite de développer dans tous les territoires un réseau de transports fiables, collectifs et à la demande. Leur intermodalité, c’est-à-dire la possibilité de combiner différents modes de transport afin d’effectuer un même trajet, est une des clés de l’alternative au véhicule individuel, tout comme la possibilité de détenir un seul titre de transport valable pour plusieurs modes de transport sur un même trajet. La France, qui se trouve à la 25e place dans le classement européen en ce qui concerne l’usage du vélo a, là aussi, des progrès à faire. L’augmentation des indemnités kilométriques vélo (IKV), aujourd’hui plafonnées à 200 euros par an, peut y contribuer.

 

Plus globalement, la CFDT appelle les employeurs, privés et publics, à s’engager massivement dans la négociation de plans de déplacement d’entreprise ou interentreprises (officiellement renommés plans de mobilité). La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a rendu ces plans obligatoires au 1er janvier 2018 dans les entreprises regroupant plus de cent salariés sur un même site dans le périmètre d’un plan de déplacements urbains. Mais les entreprises s’en sont trop peu saisies et les négocient rarement. La CFDT demande que les employeurs n’ayant pas négocié ces plans de mobilité versent obligatoirement la prime de transport à leurs salariés. Exonérée de cotisations sociales dans la limite de 200 euros par an et par salarié, cette prime, aujourd’hui facultative, prend en charge tout ou partie des frais de carburant ou d’alimentation électrique engagés par les salariés contraints d’utiliser leurs véhicules pour aller travailler, lorsqu’ils sont en dehors d’une zone couverte par les transports en commun ou parce qu’ils travaillent en horaires décalés.

 

Offrir des perspectives d’avenir

 

Plus structurellement, la CFDT veut que l’on prenne à bras-le-corps la question des transitions professionnelles. La CFDT souhaite voir se développer davantage de contrats de transition énergétique dans les territoires, qui permettent de construire des alternatives aux activités polluantes en associant élus, employeurs, représentants du personnel et associations. L’exemple de Fos-sur-Mer, où 60 % des habitants sont malades à cause de la pollution industrielle, est emblématique. Le temps presse : la programmation pluriannuelle de l’énergie annoncée le 27 novembre modifie le mix énergétique français, avec l’objectif de ramener la part du nucléaire à 50 % d’ici à 2035. Elle acte la fermeture des quatre centrales à charbon en France en 2022 et l’arrêt de quatorze réacteurs d’ici à 2035. Mais aussi la multiplication par trois du parc éolien et par cinq celui de l’énergie photovoltaïque. Il faut accompagner les travailleurs qui vont vivre ces transformations, tout comme ceux de l’industrie automobile, en pleine mutation pour fabriquer des véhicules moins polluants.

L’autre levier important de la transition énergétique, c’est faire baisser la dépense de chauffage des ménages en accélérant le rythme de rénovation thermique des logements, domaine dans lequel la France est en retard. Le parc immobilier ancien compte quelque 7 millions de logements mal isolés. « Il faut pousser l’objectif actuel de 500 000 rénovations par an à un million ! », insiste Laurent Berger.

 

Aller vers davantage de justice fiscale

 

Toutes ces transitions ont un coût. Aux yeux de la CFDT, la fiscalité écologique doit être fléchée en priorité pour les financer et accompagner les ménages. Mais cela suppose, plus largement, d’aller vers davantage de justice fiscale. « Comment obtenir le consentement à l’impôt si on ne voit plus à quoi il sert ? », martèle Laurent Berger, qui réclame un large débat public afin de réformer l’impôt et de lutter contre l’évasion fiscale. « Des solutions existent. D’autres sont à construire au plus près des citoyens. De même, chaque jour, dans les entreprises, nous agissons pour la défense du pouvoir d’achat des salariés », rappelle-t-il. « Dès lors que des réponses seront trouvées dans les territoires en matière de logement, de transport, de chauffage, nous pourrons résolument nous engager dans la transition écologique. »

 

Réinventer les services publics dans les territoires

 

Parce que les inégalités territoriales se traduisent souvent par une forte disparité d’accès aux services publics, favoriser la mobilité, c’est aussi réfléchir à un nouveau maillage territorial de l’offre de services. Les zones rurales, de montagne, les petites villes et les villes moyennes, les quartiers populaires et les zones périurbaines subissent les fermetures de guichets de diverses administrations, des déserts médicaux, la faiblesse de certains équipements, l’absence de transports collectifs… Si le service public ne peut pas être identique partout, tous les besoins dans leur diversité doivent être pris en compte. C’est le fondement de l’égalité républicaine. Il existe déjà des outils sur lesquels s’appuyer comme les schémas départementaux de services au public et les espaces mutualisés de service au public. La CFDT propose de les compléter afin de pouvoir offrir des tiers lieux, sur l’exemple des maisons de santé. Le but : maintenir des lieux d’accueil et d’accompagnement, faire rimer action publique avec proximité.

 

Publié par Claire Nillus le 5 décembre 2018

 

https://www.cfdt.fr/portail/actualites/economie-/-developpement-durable/pas-de-transition-ecologique-sans-justice-sociale-srv1_631410

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3 avril 2018 2 03 /04 /avril /2018 22:35

Karima Delli, eurodéputée Europe-Écologie-Les Verts, a estimé, mardi sur franceinfo, que "le gros problème à la SNCF, c'est la question de la dette" alors que la compagnie ferroviaire subit son premier jour de grève.

L'Europe est un argument régulièrement invoqué pour expliquer l'ouverture à la concurrence de la SNCF et ainsi justifier la réforme, laquelle a provoqué une grève perlée étendue sur trois mois chez les cheminots. Pour Karima Delli, la démonstration n'est pas valable. L'eurodéputée Europe-Écologie-Les Verts a estimé, mardi 3 avril sur franceinfo, qu'"il faut arrêter de se servir de l'Europe pour essayer de masquer une vraie politique française".

"Oui, l'Europe a ouvert le marché ferroviaire à la concurrence à partir de 2019 (…), mais je le redis, l'Europe ne viendra jamais dire à une compagnie ferroviaire européenne qu'elle doit s'attaquer au statut du cheminot ou qu'elle doit devenir une société privée", a souligné la présidente de la commission Transports du Parlement européen, au premier jour de la grève à la SNCF.

Ce n'est pas en s'attaquant aux cheminots que tout va aller bien à la SNCF Karima Delli  déclare à franceinfo

"Maintenant, cette libéralisation du rail français va comporter des risques", a jugé Karima Delli. L'eurodéputée a donc pris la décision de "voté contre" : "Il nous faut des garanties, estime-t-elle. La libéralisation peut amener des dégradations du service public".

Pour Karima Delli, "le gros problème à la SNCF, c'est la question de la dette". Cette situation s'explique "parce qu'il y a eu des choix politiques depuis 30 ans en France qui ont été irresponsables. Cela fait 30 ans qu'on favorise la route plutôt que le ferroviaire et cela fait 30 ans qu'on a décidé d'investir sur le TGV", a-t-elle poursuivi.

L'eurodéputée écologiste appelle à "investir sur le rail", car "c'est bon pour le climat, pour la cohésion des territoires et pour l'emploi". L'une des mesures que l'élue préconise est la mise en place d'"une redevance poids lourds" dont les recettes seraient réinvesties dans le ferroviaire.

franceinfoRadio France le 03/04/2018

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21 décembre 2017 4 21 /12 /décembre /2017 23:09

« Qu’est-ce que l’entreprise ? » Répondre à cette question est essentiel, tant le débat s’hystérise souvent sur cette question, entre ceux qui pensent que l’entreprise est le mal absolu et ceux qui pensent qu’elle serait la solution à tous les problèmes de notre société. Pour la CFDT, ce n’est évidemment ni l’un ni l’autre mais l’entreprise est un sujet trop sérieux pour le laisser traiter par les seuls patrons.

Le Gouvernement, lancera au début de l’année prochaine une concertation sur un "plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises" qui devrait aboutir sur un projet de loi au printemps prochain. A la CFDT, nous travaillons sur ce sujet depuis de nombreuses années. C’est donc pour nous l’occasion de faire entendre nos propositions pour une entreprise plus démocratique, respectueuse des travailleurs et de l’environnement qui la portent.

Une entreprise, quelle que soit sa taille, est un acteur incontournable de l’activité économique. C’est un lieu de création de richesse, c’est un collectif humain, une communauté de travail, un espace de démocratie sociale, un lieu d’investissement productif. Dans ce projet collectif, le financement de l’activité, qui passe parfois par l’actionnariat, est essentiel. Mais les travailleurs et leur savoir-faire le sont tout autant. Or, actuellement, l’intérêt de l’entreprise se confond trop souvent avec celui de ses financeurs qui seuls sauraient ce qui est bon pour elle. Il est temps de rééquilibrer les pouvoirs dans l’entreprise, les rééquilibrer en les partageant.

La question de la redistribution des bénéfices créés par l’entreprise, et celle de l’intéressement et de la participation, sont des questions importantes mais insuffisantes. Il y a quelques mois, nous avons mené une grande enquête auprès des travailleurs pour mieux comprendre comment est vécu le travail. 72% des répondants à cette enquête souhaitent participer davantage aux décisions qui affectent leur entreprise. Il s’agit donc de répondre à cette forte attente en permettant aux salariés de participer aux choix stratégiques qu’ils devront ensuite mettre en œuvre. A la CFDT, nous mettons la démocratie au cœur de nos revendications. Partager le pouvoir dans l’entreprise, est donc pour nous l’enjeu majeur de cette réforme.

Et ce n’est pas une utopie, d’autres pays l’ont fait. Les pays scandinaves, bien sûr, qui sont souvent cités à ce sujet, mais aussi l’Allemagne. Les patrons français aiment s'appuyer sur l'exemple Allemand mais ils ne devraient pas oublier que ce modèle se caractérise d’abord par la codécision dans l’entreprise, avec la présence de nombreux salariés dans les conseils d’administration, une reconnaissance forte du fait syndical, du dialogue social et de la mission d’intérêt général de l’entreprise.

Mais cela suppose de faire confiance aux salariés et de redonner toute sa place au travail. Là encore, rien d’irréaliste. D’abord, parce que cela est légitime : l’entreprise est ce projet auquel les salariés lient leur destin au moins autant que les dirigeants. Mais aussi parce que les salariés ont des idées pour leur entreprise ! Que ce soit en termes d’investissement, de stratégie ou de conditions de travail, ils ont beaucoup à apporter pour améliorer la compétitivité autant que la qualité de l’emploi. Face à une finance court-termiste, ils sont aussi les garants du temps long pour leur entreprise, de la qualité du service ou du produit.

Redonner toute sa place au travail dans l’entreprise, c’est donner plus de poids aux salariés dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance. Et c’est aussi renforcer les espaces de dialogue et développer la codécision, par exemple sur l’utilisation des subventions publiques ou sur la rémunération des dirigeants.

Pour changer l’entreprise, nous pouvons faire confiance au dialogue social. Un pari que ce Gouvernement n’a pas su faire avec les ordonnances. Ce prochain projet de loi est donc une nouvelle opportunité d'avancer dans ce sens. La CFDT s’engagera pleinement dans cette voie en prônant des modes de gouvernance plus collaboratifs et un management plus horizontal.

Une entreprise plus démocratique, c’est également une entreprise responsabilisée quant aux conséquences de ses décisions pour la société. La loi sur le devoir de vigilance des multinationales est une première avancée importante à  poursuivre.

Aujourd’hui, dans notre droit, le seul objectif d’une entreprise est le profit financier. Pour évoluer vers un modèle de production de qualité (qualité de la production, qualité des rapports humains, respect de l’environnement), la question de la finalité de l’entreprise doit être posée. Pour la CFDT, la réécriture des articles 1832 et 1833 du code Civil pour que les entreprises prennent en compte l’impact économique mais aussi social et environnemental de leur activité est une évidence. C’est une réforme qui demanderait aux entreprises de s’évaluer (par la notation extra financière) et de mesurer l’impact de leur activité pour la société. C’est une mesure de progrès fondamentale et indispensable.

Et pour les entreprises qui souhaiteraient aller plus loin, nous militons pour la création d’un nouveau statut, celui de la Société à objet social étendu (SOSE). Celles qui le voudraient pourraient alors poursuivre un objectif social, environnemental, humain, scientifique… Il ne s’agit plus uniquement de s’assurer de la neutralité d’une activité mais de rechercher un bénéfice social, environnemental, humain, scientifique… Pour une réelle effectivité ou pour éviter un effet d’affichage, ce statut porteur d’innovation devra être assorti d’une gouvernance intégrant les salariés et les parties prenantes de ce projet (consommateurs, associations...).

Dans les concertations à venir, la CFDT sera vigilante et exigeante pour que ce débat soit utile pour les travailleurs et les citoyens. Changer l’entreprise, c’est changer le travail et changer le travail, c’est changer la société. 

Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT le 19/12/2017

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