Le coût de la rentrée scolaire 2019 est en légère hausse par rapport à l'an dernier, mais de fortes disparités persistent, estime la Confédération syndicale des familles dans une étude publiée ce vendredi.
Fournitures et ouvrages scolaires, vêtements, matériel informatique… Si les dépenses engagées pour la rentrée scolaire à venir sont à peu près équivalentes à celles de l’an passé (+0,17%), cette stagnation des chiffres masque un déséquilibre important en fonction du niveau scolaire des enfants. C’est la conclusion d’une enquête de la Confédération syndicale des familles (CSF), une association de consommateurs qui, pour son 46e baromètre, a étudié les différentes dépenses occasionnées par la scolarité tout au long de l’année. L’étude, dévoilée ce vendredi, permet de mettre en perspective le poids du coût de la rentrée dans le budget familial et les pratiques d’achat des familles, sans consigne donnée aux parents autour du choix des fournitures. Ainsi, le coût de toute une année scolaire peut aller de 842 à 1 128 euros en primaire, et de 1 436 à 1 542 euros au collège et au lycée. «Des moyennes qui montrent que la scolarité n’est pas gratuite», selon la présidente de la CSF, Marie-Françoise Martin.
En primaire, le coût de la rentrée stricto sensu est hétérogène d’un niveau à l’autre. Pour la classe de CP, il se situe autour de 160 euros. Pour le cours moyen, le budget rentrée s’élève à 200 euros, et augmente de 3% par rapport à 2018. C’est au collège que les dépenses pour commencer l’année sont les plus importantes : alors que le budget avait baissé entre 2017 et 2018, il repart à la hausse pour l’année 2019, avec un montant moyen de 361 euros en classe de sixième. Selon Johan Jousseaume, secrétaire confédéral à la CSF, cette augmentation s’explique avant tout par le budget alloué aux équipements sportifs : «Les enfants grandissent fortement au collège. Il est possible qu’ils changent de taille dans l’année et ça entraîne un investissement supplémentaire. Parfois, l’établissement demande aussi aux élèves d’avoir deux paires de basket.» L’étude montre aussi l’attrait des vêtements de marques chez les jeunes. Avoir des chaussures ou un survêtement siglés est un moyen de se valoriser vis-à-vis de ses camarades. «Il ne faut pas nier cet impact. Les marques sont proactives pour inciter les jeunes à acheter ce genre de produits, affirme Johan Jousseaume. Les affaires de sport, qui sont aussi parfois les habits portés en classe, représentent un enjeu entre les enfants eux-mêmes. Elles sont un marqueur social.»
L’étude montre aussi qu’au niveau territorial, les inégalités persistent. Pour Annie Giroud, responsable politique du secteur éducation à la CSF, «le transport scolaire reste un facteur lourd et très inégal d’un bout à l’autre du territoire. L’harmonisation du réseau dans certaines régions s’est faite aux dépens de la gratuité que pratiquaient certains départements. Le constat est le même pour la restauration scolaire». En conséquence les tarifs sont très variables d’un territoire à un autre. Et parmi les autres dépenses lourdes, l’association de consommateurs pointe le coût de l’habitat pour les élèves du supérieur. Ainsi à Paris, le prix moyen d’un logement étudiant est de 873 euros par mois, contre 340 euros au Mans. «Certains doivent renoncer à leur choix d’étude car c’est un gouffre financier qui les angoisse trop», pointe Annie Giroud. Alors que les montants d’inscription en 2019 pour les étudiants non-boursiers sont équivalents à ceux de l’année passée, la CSF rappelle que dès la rentrée prochaine, les nouveaux étudiants venant de pays hors de l’Union européenne devront s’acquitter de 2 770 euros pour s’inscrire en licence et de 3 770 euros en master. «Un montant 15 à 16 fois supérieur aux autres pays européens», soulignent les auteurs de l’enquête. «On ne naît pas égaux, déplore la responsable politique du secteur éducation. Ça se vérifie tout au long de la scolarité en particulier.»
Selon le baromètre du numérique 2018, près de 94% des Français possèdent un téléphone portable, 41% une tablette et quatre personnes sur cinq ont un usage quotidien d’Internet. Une numérisation de la société à laquelle l’école, de la maternelle au lycée, n’échappe pas, et qui devient une nouvelle source d’inégalité. D’ici 2020, le gouvernement veut des lycées 100% numériques. Mais le grand plan numérique lancé par François Hollande, qui avait pour objectif de fournir gratuitement une tablette à tous les élèves en collège, a été abandonné au profit du dispositif «BYOD» («bring your own device», ramenez votre propre matériel), qui implique que les familles investissent elles-mêmes dans ce matériel informatique, alors qu’elles n’en ont pas forcément les moyens.
Pour les soutenir, une allocation de rentrée scolaire (ARS) sera versée le 20 août aux foyers ayant au minimum un enfant scolarisé et âgé de 6 à 18 ans. Pour cette année, l’ARS a été revalorisée de 0,3% et concernera environ 3 millions de ménages aux revenus modestes. Elle est désormais de 368,84 euros pour les élèves de 6 à 10 ans, de 389,19 euros pour les 11-14 ans et de 402,67 euros pour les 15-18 ans. «Pour les premières classes, le coût de la rentrée scolaire est bien pris en charge, mais il est à peine suffisant au collège et complètement insuffisant au lycée. L’ARS ne doit pas prendre en compte l’âge mais bien le niveau scolaire», estime Johan Jousseaume. La CSF demande aussi une TVA à 5,5% pour les fournitures scolaires, considérant qu’il s’agit de produits de première nécessité. Pour Aminata Koné, secrétaire générale de la CSF, «la lutte contre la pauvreté que l’Etat entreprend ne peut se résorber que si on lutte aussi contre les inégalités», notamment territoriales.
Libération Charles Delouche — 16 août 2019