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www.rac-f.org
Contribution du Réseau Action Climat-France
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sur la Contribution Climat Energie
29 Juin 2009
Contact : Philippe Quirion, philippe@rac-f.org
Dans le cadre du paquet énergie-climat, la France s'est engagée à réduire de 14% ses
émissions de gaz à effet de serre entre 2005 et 2020, hors secteurs couverts par le système de
quotas européen. En cas d'accord international sur le climat, à Copenhague ou par la suite,
l'objectif d'émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne pour 2020 passera de -20%
à -30% par rapport à 1990, et l'objectif de -14% mentionné ci-dessus sera revu en
conséquence.
Les secteurs non couverts par le système de quotas européen ne font pas aujourd'hui l'objet de
politiques de réduction des émissions suffisantes pour que la France respecte ces objectifs.
Ainsi, le bilan énergétique de la France en 2008, tout récemment publié, indique que les
émissions de CO
2 du résidentiel-tertiaire ont augmenté de 2,1% en 2008.
Les multiples outils fiscaux et financiers destinés à économiser l'énergie et à développer les
énergies renouvelables (crédit d’impôt développement durable pour l’habitat, éco prêt à taux
zéro, tarifs garantis d’achat de l’électricité d'origine renouvelable, aides de l’ADEME et des
collectivités territoriales, bonus-malus automobile, certificats d’économie d’énergie…) ne
peuvent suffire, en particulier parce qu'ils n'influencent que le choix des équipements, pas le
niveau d'utilisation des équipements consommateurs d'énergie.
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Le Réseau Action Climat-France (RAC-F) est une association spécialisée sur le thème de l’effet de serre et du
changement climatique. Il est le représentant français du réseau mondial d’ONG concernées par les changements
climatiques, le "CAN : Climate Action Network", qui comprend plus de 430 membres sur les cinq continents. Le
RAC-F regroupe une quinzaine d’associations de défense de l’environnement, d’usagers de transport, et
d’alternatives énergétiques.
2
La Contribution climat énergie (CCE) constitue donc un outil indispensable, et qui doit être
mis en oeuvre de manière ambitieuse. Pour cela, il est impératif de respecter les points
suivants :
1. Un outil simple à mettre en oeuvre et à percevoir : une contribution assise sur la
consommation d'énergie
Le livre blanc indique que "l’assiette pourrait refléter le volume de carbone émis lors des
processus de production et de transport des produits consommés." Une telle proposition est
infaisable dans un délai raisonnable, car elle nécessiterait une analyse de cycle de vie sur
l'ensemble des produits vendus. La seule solution faisable dans un délai court et avec un coût
de gestion limité consiste à taxer la consommation d'énergie (pour les émissions d'origine
énergétique) et les émissions directes de gaz à effet de serre (pour les autres émissions). Pour
les émissions dues à la combustion de produits pétroliers, de charbon et de gaz, il faut
conserver le mécanisme des TIPP, TICGN et TICC, mais sans les exemptions de ces
dernières.
2. Une trajectoire de prix conforme, au minimum, à celle du rapport du CAS sur la
valeur du carbone
Le rapport "Quinet" du Centre d'analyse stratégique, publié en 2008
2 a permis d'aboutir à un
compromis entre les représentants de l'administration, des ONG de protection de
l'environnement, des syndicats et des entreprises autour d'une trajectoire de prix du CO
2
démarrant à 32 euros en 2010 et augmentant de 5% par an jusqu'à 56 euros en 2020 et 100
euros en 2030, ceci en euros constants, c'est-à-dire déduction faite de l'inflation. Cette
trajectoire augmente ensuite de 4% par an jusqu'à atteindre 200 euros en 2050.
Depuis la réalisation de ce rapport, et du 4
e rapport du GIEC, les dernières publications
scientifiques invitent à renforcer l'ambition des politiques environnementales
3. Les valeurs
indiquées dans le rapport Quinet constituent donc un minimum. Ainsi, en Suède, la taxe sur le
CO
2 introduite en 1991 s'élève à 97 euros par tonne (au taux de change de 2009), soit le taux
proposé pour la France par le rapport Quinet en 2029
4.
Pour permettre d'orienter correctement le choix des investissements, il est essentiel que la loi
prévoie un ajustement automatique du montant de la CCE, pour prendre en compte d'une part
2
Centre d’analyse stratégique, La valeur tutélaire du carbone, juin 2008,
http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/Valeur_tutelaire_du_carbone-rapport_final-6juin2008.pdf
3
WWF, Climate change : faster, stronger, sooner. Octobre 2008, www.panda.org
4
Katrin Millock, La taxation énergie-climat en Suède, Document de travail, Centre d’Economie de la Sorbonne,
juin 2009.
3
l'inflation, comme c'est le cas en Suède depuis 2008
5, d'autre part la hausse du montant en
euros constants prévue dans le rapport Quinet. Avec la LOLF est ouverte la possibilité de
voter des mesures sur trois ans. Cela a été le cas pour la loi de finances initiale 2009,
notamment pour des mesures environnementales ; cela doit encore être le cas ici. Pour la
suite, nous invitons tous les partis politiques à annoncer clairement qu'ils s'engagent à
poursuivre la trajectoire de hausse de la CCE, au minimum au niveau indiqué par le rapport
Quinet, et à réévaluer la CCE du montant de l'inflation.
3. Une mise en oeuvre dès 2010
La table ronde finale du Grenelle de l'environnement a eu lieu en octobre 2007. La conférence
d'experts des 2 et 3 juillet se tient donc plus d'un an et demi plus tard, après plusieurs reports
injustifiés. Certains en tirent argument pour demander que la CCE ne s'applique qu'à partir de
2011. Un tel report entraîne le risque d'un abandon du projet pour raisons électorales, du fait
d'un rapprochement avec les élections présidentielles et législatives de 2012. Nous demandons
donc une application dès 2010.
4. Une taxation étendue à la consommation d'électricité
Le livre blanc "s’abstient d’étudier la prise en compte de l’ensemble des coûts dans la
tarification de l’électricité, cette question ayant été abordée dans le rapport de la Commission
Champsaur." En fait, le rapport de la Commission Champsaur
6 ne comporte aucune
proposition concrète en ce sens.
Les consommateurs d'électricité qui bénéficient de tarifs régulés (soit, de fait, la totalité des
ménages et 90% de la consommation industrielle, depuis la mise en oeuvre du tarif de retour
TARTAM) ne paient pas le prix des quotas de CO
2 sur leurs émissions indirectes. Si ces
consommateurs paient une taxe sur leurs émissions directes de CO
2 (dues par exemple à un
chauffage au gaz ou au fuel) mais pas sur leur consommation d'électricité, cela pose deux
problèmes (même sans parler des impasses du nucléaire
7) : d'une part cela renforce l'incitation
au choix du chauffage électrique, qui est pourtant plus émetteur de CO
2
8
, d'autre part, plus
généralement, cela n'incite pas à réduire la consommation d'électricité alors que cette dernière
5
Idem.
6
Rapport de la commission sur l’organisation du marché de l’électricité, Présidée par Paul ChampsaurRapport de la commission sur l’organisation du marché de l’électricité, Présidée par Paul Champsaur
Rapport de la commission sur l’organisation du marché de l’électricité, Présidée par Paul Champsaur
7
Réseau Action Climat France, Agir pour l’Environnement, Amis de la Terre, France Nature Environnement,
Greenpeace, Réseau sortir du Nucléaire, WWF,
Face à la menace climatique, l’illusion du nucléaire. Novembre
2007. http://www.rac-f.org/article.php3?id_article=1331
8
Un chauffage direct par gaz naturel émet environ deux fois moins de CO2 qu'un chauffage électrique par
convecteur alimenté par une centrale à gaz, même si cette dernière est à cycle combiné, du fait des pertes
importantes lors de la production de l'électricité (entre 45 et 50%) et de son transport (environ 10%).
4
pourrait être utilisée pour réduire les émissions dans d'autres secteurs de l'économie, en
particulier dans les transports.
Il faut donc soumettre les consommateurs qui bénéficient de tarifs régulés à une taxe sur la
consommation d'électricité. Quel taux retenir ? Le marché européen de l'électricité étant
largement interconnecté, il est souhaitable de retenir le produit du taux de la taxe sur les
émissions de gaz à effet de serre (en euros/t CO
2-équivalent, cf. point suivant) par le taux
marginal d'émissions de CO
2 de la production d'électricité sur le marché européen, soit
environ 0,6 t CO
2/MWh9. Ce chiffre est un minimum, car il ne prend pas en compte les autres
externalités négatives de la production d'électricité.
5. Une prise en compte de tous les gaz à effet de serre
Les autres gaz que le CO
2 comptent pour environ 25% des émissions françaises, dont 9% pour
les émissions de N
2O des sols agricoles. Bien qu'il ne soit pas possible d'estimer ces émissions
aussi précisément que celles de CO
2, on peut les approcher par la consommation d'engrais
azotés, ce qui est d'ailleurs la méthode retenue pour l'inventaire national des émissions de gaz
à effet de serre. Il est donc nécessaire de taxer la consommation d'engrais. Il y a ici un
dividende multiple : réduction des gaz à effet de serre, des pollutions azotées (nitrates) et des
consommations d'énergie fossile.
Quant aux émissions de CO
2 des incinérateurs et de méthane des décharges (qui ne sont pas
couvertes par le système de quotas européen), la CCE pourrait y prendre la forme d'une
augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), modulée, pour la
décharge, en fonction du taux de captage du méthane, et éventuellement, pour les
incinérateurs, en fonction du contenu en carbone fossile dans les déchets incinérés.
Enfin, on pourrait instaurer une taxe sur la vente de gaz fluorés en fonction de leur pouvoir de
réchauffement global.
6. Une taxe vraiment générale : pas d'exonérations, pas de baisse des taxes préexistantes
Les taxes existantes sur l'énergie (TIPP, TICGN et TICC) souffrent de multiples exonérations.
Il est important d'éviter ces exonérations dans le cas de la CCE, sauf éventuellement pour les
installations industrielles soumises au système de quotas européen. Il est également essentiel
de ne pas baisser ces taxes préexistantes, sans quoi la CCE perdrait une grande partie de son
efficacité.
9
E. Delarue, D. Ellerman et W. D’Haeseleer, Short-term CO2 abatement in the European Power Sector, MITCEEPR
Working Paper 08-008, juin 2008. Le taux moyen utilisé par la Commission européenne est de 0,43 t
CO
2/MWh, cf. http://ec.europa.eu/enterprise/eco_design/finalreport1.pdf (page 97)
. Avril2009, http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/9-04-16_rapport_version_publiee-2_cle0259fd.pdf