Contribution à la Conférence
de Consensus d’experts sur la
Contribution Climat Energie
Juin 2009
Contact: b.faraco@fnh.org
Contribution Climat Energie – Note de position
Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme - Juin 2009
2
SOMMAIRE
1. LE CONTEXTE 3
1.1. S
IMULTANÉITÉ DES CRISES CLIMATIQUE ET ÉNERGÉTIQUE 3
1.2. L
ES DIFFÉRENTS INSTRUMENTS DES POLITIQUES CLIMATIQUES : NORMES, TAXES ET QUOTAS 3
1.3. E
TAT DES LIEUX DES POLITIQUES ACTUELLES EN FRANCE ET EN EUROPE 4
2. LA MESURE : DESCRIPTION ET EFFETS ATTENDUS 4
2.1. D
ESCRIPTION DE LA CONTRIBUTION CLIMAT-ÉNERGIE (CCE) 4
2.2. I
NTÉRÊT ET EFFETS DE LA MESURE 5
3. SON USAGE ET SON AFFECTATION 6
3.1. P
OUR LES MÉNAGES 6
3.2. P
OUR LES ENTREPRISES ET ADMINISTRATIONS 7
3.3. A
UTRES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT 7
L
ES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT SOCIALES 7
L
ES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT EN MATIÈRE DE COMPÉTITIVITÉ 7
4. LES DONNÉES CHIFFRÉES 7
4.1. V
ALEUR DU CARBONE 7
4.2. A
SSIETTE ÉNERGIE 8
4.3. E
XEMPLE CHIFFRÉ 8
E
MISSIONS DE CO2 ET SECTEURS SOUMIS À LA CCE : 8
C
ONTRIBUTION À LA CCE, PAR SECTEUR 8
C
ONTRIBUTION DES MÉNAGES, CONTRIBUTION DES ENTREPRISES ET ADMINISTRATIONS 9
T
ABLEAU RÉCAPITULATIF : 9
I
MPACTS SUR LES PRIX DES ÉNERGIES FOSSILES 9
A
LLOCATION ET REDISTRIBUTION 10
4.4. L
A CONTRIBUTION CLIMAT ENERGIE ET L’ÉLECTRICITÉ 10
4.5. E
XTENSION DE LA CONTRIBUTION CLIMAT ENERGIE À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE 11
4.6. C
ONTRIBUTION CLIMAT ÉNERGIE ET MÉCANISMES D’AJUSTEMENT AUX FRONTIÈRES 11
4.7. L
E SIGNAL PRIX SUR L’AGRICULTURE 12
5. ANNEXES 12
5.1. R
ÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : DONNER UN PRIX AU PROBLÈME 12
5.2. U
NE FISCALITÉ ÉCOLOGIQUE : LA VOIX DE LA RAISON 14
Contribution Climat Energie – Note de position
Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme - Juin 2009
3
1. Le contexte
1.1. Simultanéité des crises climatique et énergétique
La consommation mondiale de combustibles fossiles (80% de la consommation d’énergie
des hommes actuellement) n’est pas durable:
-
Les émissions de CO2 qui en découlent sont déjà excessives pour conserver un climat
stable, et en France il va falloir diviser par 4 ou 5 nos émissions de GES à l’horizon
2050.
-
La production de pétrole (35% de l’énergie mondiale, 98% de l’énergie des transports
terrestres) devrait, aux dires de la majorité des géologues pétroliers, plafonner dans
les 5 à 10 ans qui viennent puis décroître d’ici 10 à 20 ans
1. La production de gaz va
suivre le même chemin 5 à 10 ans après, et enfin celle de charbon, même sans
contrainte sur le climat, plafonnerait d’ici à 2050 environ avant de décroître (en Chine,
le pic charbon est attendu vers 2025).
En raison de l’inertie considérable du système climatique, la dérive climatique continuera
à s’amplifier pendant des siècles après que le monde ait passé le maximum de ses
émissions de CO
2. La baisse à laquelle on peut s’attendre de la production du pétrole et du
gaz (55% de l’énergie mondiale à eux deux) ne signifie donc pas que la «solution au
problème climatique» arrivera toute seule sans effort : cela signifie plutôt que, d’ici une
génération tout au plus, nous allons nous retrouver confrontés avec deux problèmes
simultanés, d’une part la fin d’une énergie abondante et peu chère, et d’autre part une
modification rapide de notre environnement avec tous les effets négatifs associés.
Dans ce contexte, le monde est face à l’alternative suivante:
-
Enclencher volontairement, dès maintenant, une baisse de la consommation de
combustibles fossiles avec les instruments à sa disposition (normes, taxes, quotas,
interdictions), pour s’adapter pendant qu’il en est encore temps,
-
Attendre que les limites physiques du système se chargent de provoquer cette baisse
de manière involontaire, les éléments de régulation à la disposition du système
physique et social s’appelant alors guerres, épidémies, récessions, et autres
événements de ce genre.
1.2. Les différents instruments des politiques climatiques:
normes, taxes et quotas
Pour faire baisser la consommation de combustibles fossiles et limiter les émissions de
gaz à effet de serre, la puissance publiquedispose de trois grandes familles d’instruments :
1. Les normes, qui portent sur les émissions (ou la consommation) unitaire, ce
qui est par exemple le cas des émissions par kilomètre parcouru pour une
voiture. Leur coût pour l’industriel est réel mais inconnu à l’avance, et il n’est
généralement pas immédiatement visible pour le consommateur. Comme ce
dernier est aussi l’électeur, ce sont ces mesures qui sont souvent les plus
prisées des pouvoirs publics, alors qu’elles ne garantissent pas
nécessairement une baisse réelle de la consommation. En période de baisse
du prix réel de l’énergie, en particulier, l’observation montre que la
consommation globale croît, même avec des efforts de normalisation et des
gains en efficacité énergétique. C’est l’effet rebond. D’autre part, certaines
normes peuvent inutilement brider l’innovation quand elles sont mal conçues.
Ces outils sont cependant pertinents, mais non suffisants
, dans trois domaines
majeurs : les performances thermiques des logements, la consommation des
1
C’est la position de Christophe de Margerie, de Shell, de l’Institut Français du Pétrole, etc.
voitures, et la capture et séquestration du CO2 pour les centrales électriques à
combustibles fossiles. Les normes sont également envisageables pour la
consommation des appareils électroménagers, mais ces derniers recouvrent
une très grande variété d’appareils, ce qui rend une approche exhaustive plus
complexe à mettre en oeuvre.
2. Les quotas négociables, où le niveau global d’émission est connu à l’avance
(donc la consommation globale de combustibles fossiles), mais pas le prix
pour un acteur donné, ce qui rend difficile les calculs de retour sur
investissement, au niveau micro-économique, sur des durées excédant 2 ou 3
années,
3. La taxe, qui fixe à l’avance le prix de l’émission, et donc le niveau
d’investissement qui est rentable pour éviter des émissions, mais ne donne
pas aussi précisément que les quotas les quantités qui seront effectivement
émises (à cause de l’élasticité dont le calcul ne découle pas d’une science
exacte).
La compétence sur ces trois instruments appartient en théorie aux Etats (et non aux
acteurs privés). En Europe, les compétences 1 et 2 ont été transférées en tout ou en partie à
la Commission européenne et au Parlement.
1.3. Etat des lieux des politiques actuelles en France et en Europe
La France a un objectif au sein de l’Union Européenne de réduction de ses émissions au
moins de 17%
2 en 2020 par rapport à 1990, et elle s’est engagée à diviser par 4 ses
émissions en 2050 (loi POPE de juillet 2005, objectif repris dans les lois Grenelle).
Le système européen de quotas d’émissions négociables de CO
2 (SEQEN), l’une des
mesures phare de lutte contre le changement climatique au niveau européen, ne couvre pas
les émissions des secteurs diffus, qui représentent la majorité des émissions de GES en
France. Ainsi, seules environ un tiers des émissions françaises de CO2 sont couvertes par le
marché européen et soumises à un mécanisme économique permettant d’envisager des
réductions importantes d’émissions à l’horizon 2020. Alors que le paquet climat énergie
permet une certaine lisibilité sur les émissions des grosses industries européennes, les
Etats-membres restent libres d’organiser comme ils le souhaitent les politiques de
réductions d’émissions dans les autres secteurs.
2. La mesure: description et effets attendus
2.1. Description de la contribution climat-énergie (CCE)
La contribution climat-énergie permet de donner, dans le secteur diffus (qui rassemble
les transports, le bâtiment, mais aussi l’agriculture et l’industrie légère), un «signal–prix»
visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie, tant via
la maîtrise de la demande que par la réorientation de l’offre
3. Elle s’applique sur les
consommations d’énergie utilisée par les ménages, les administrations et les entreprises, à
l’exclusion des entreprises soumises au SEQEN.
Elle est fonction d’une part du contenu en carbone de l’énergie et d’autre part de la
quantité d’énergie consommée. Sa part carbone se calcule en euros par tonne de CO2.
En pratique, cette CCE sera perçue sur toutes les formes d’énergie finale (quelle que soit
l’énergie utilisée : gaz, fioul, carburants, électricité, etc), avec une double assiette, à la fois le
2
En cas d’accord international à Copenhague, l’UE s’est engagée à réduire de 30% ses émissions de GES par rapport à
1990. Cela impliquerait une réduction de l’ordre de 25% pour la France.
3
Le différentiel de TIPP en France entre l’essence et le gazole a eu un impact majeur sur la « diésélisation » du parc
automobile, de même que la différence de prix des carburants entre USA et Europe a massivement modifié l’offre des
constructeurs sur la durée.
contenu énergétique (en kWh) et le contenu en carbone. Nous aurons donc CCE =
a*kWh+b*CO
2, où a est le taux d’imposition sur les kWh et b sur le contenu en carbone.
La double assiette se justifie comme suit:
-
Pour la partie carbone, cette CCE correspond à l’évidence à la nécessité de
«décarboner» l’économie en donnant un prix au carbone et en complétant
le système de quotas, qui ne couvre pas le diffus (chauffage, transports),
comme indiqué plus haut,
-
Pour la partie énergie, le but sera clairement d’éviter que le nucléaire et
l’hydraulique ne deviennent «trop compétitifs» face aux combustibles
fossiles, auquel cas l’incitation aux économies serait moins élevée que
l’incitation à basculer sur de l’électricité nucléaire et hydraulique à un rythme
qui ne serait pas compatible avec les possibilités de recours à ces énergies.
Cette extension à l’électricité nucléaire et hydraulique vise à rendre les
économies plus intéressantes que le basculement vers l’électricité dans la
majorité des cas de figure, et, lorsqu’il a lieu, rendre le basculement sur
l’électricité le plus efficace possible.
La contribution climat énergie doit être programmée, progressive et introduite de
manière croissante, jusqu’à ce que les émissions diffuses soient stabilisées au bon niveau
(niveau «européen» en 2020 et facteur 4 en 2050).
C’est une contribution nouvelle à distinguer notamment des autres taxes intérieures surla consommation d’énergie (TIPP, TICC, TICGN…),
2.2. Intérêt et effets de la mesure
Augmenter le prix de l’énergie dans les usages diffus a de nombreux effets structurants,
car une contribution climat-énergie:
- incite les consommateurs à réduire leur consommation d’énergie pour limiter la hausse
de leur budget énergie
(la hausse des prix unitaires est progressivement compensée par
une baisse des volumes); cette réduction provient à la fois de changements d’habitude
(sobriété) et d’achats de produits moins «énergivores»;
- Permet de contrôler d’éventuels effets rebond4.
- incite les industriels à déplacer l’offre vers des produits de plus en plus économes (à
commencer par les voitures et l’habitat). Il est connu que les véhicules produits en
Europe consomment beaucoup moins que ceux produits aux USA, parce que le prix
relatif de l’énergie n’y est pas du tout le même, et cela vaut également pour les
performances thermiques des deux côtés de l’Atlantique. Cette hausse programmée du
prix de l’énergie sera, comme toutes les contraintes justifiées l’ont été jusqu’à
maintenant, un moteur pour la créativité, l’innovation, et donc un élément de
compétitivité. Les effets d’une telle lisibilité sur les prix de l’énergie vont permettre de
développer de véritables filières économiques de l’efficacité énergétique, en particulier
dans le secteur du bâtiment et des transports, mais aussi des offres bancaires adaptées
puisque l’évolution est prévisible (et un banquier a besoin de visibilité pour prêter).
- Rééquilibre les prélèvements obligatoires qui, depuis des décennies, sont de plus en
plus lourds sur le travail et de moins en moins pesants sur l’énergie, poussant de fait à
4
L’effet rebond désigne ce qui se passe lorsque les techniques s’améliorentet que les gains unitaires sont
compensés - et au-delà - par l’augmentation des usages ou du nombre d’équipements
des arbitrages en faveur de l’automatisation ou de la délocalisation, et en défaveur de
l’emploi:
Conduit à mieux anticiper, dans les politiques d’aménagement du territoire, la contrainte
à venir sur l’énergie:
o
arrêt de l’étalement des mégapoles et retour progressif à un urbanisme
multipolaire et dense,
o
transports en commun efficaces et plus généralement fonctions urbaines
(commerces, écoles, santé, etc) plus sobres en énergie,
o
transport interurbain en mode ferré rendu plus pertinent et compétitif,
o
création de filières agricoles plus diversifiées.
Par ailleurs cette contribution permet de lisser
le prix de l’énergie fossile sur la durée et rend
moins douloureuses les conséquences d’un choc pétrolier et/ou gazier, dont la venue à
répétition est malheureusement très probable dans les prochaines décennies,
3. Son usage et son affectation
En conformité avec les conclusions du Grenelle de l’Environnement
et selon l’engagement
du Président de la République, la CCE doit être mise en oeuvre à prélèvements obligatoires
constants, c’est-à-dire sans que la pression fiscale n’augmente pour les ménages et pour les
entreprises. Cela veut dire qu’il est nécessaire que le produit de la CCE soit restitué aux acteurs,
pour que le montant des prélèvements obligatoires reste inchangé.
Une fois mise en oeuvre, la Contribution Climat Energie va provoquer plusieurs
changements dans les flux de fiscalité:
-
Une Contribution des ménages
-
Une Contribution des Administrations et des Entreprises non soumises au Système
Européen de Quotas d’Emissions Négociables.
-
Une baisse des recettes fiscales sur les produits énergétiques, et notamment de la
TIPP, liée à la réduction des consommations d’énergies, dues à la CCE et autres
mesures qui poussent à cette réduction.
A la suite des engagements pris lors du Grenelle de l’Environnement, la Fondation
Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme a publié en Juin 2008 une proposition relative à
l’affectation de la CCE. Celle-ci prévoit un mécanisme permettant de garantir la neutralité
fiscale du dispositif sans créer d’effet pervers (incitations à la consommation d’énergie).
3.1. Pour les ménages
Pour les ménages, nous proposons la création d’une allocation universelle énergieclimat.
En pratique, la CCE perçue dans l’année auprès des ménages leur sera intégralement
reversée, sous forme d’un chèque d’un même montant à tous les foyers fiscaux.
Ainsi le citoyen recevra ce que
paye le consommateur.
3.2. Pour les Entreprises et Administrations
Pour les entreprises concernées par le dispositif, c’est-à-dire celles qui ne sont pas
soumises au système européen des quotas,
nous proposons tout simplement de baisser les cotisations sociales patronales à concurrence exacte du montant collecté. De plus, diminuer le coût du travail sera bénéfique pour l’emploi.
3.3. Autres mesures d’accompagnement
Les mesures d’accompagnement sociales
Les catégories sociales défavorisées qui ne pourraient assumer l’impact financier de cette
contribution doivent faire l’objet d’aides spécifiques, m a is en aucun cas sous forme
d’exonération de CCE . On peut penser par exemple à:
-
Un financement de l’amélioration de la performance énergétique du logement (en
complément ou modification de l’actuelle APL), ce qui, en termes de mécanismes, est
particulièrement aisé à mettre en place pour le logement social,
-
Des mesures incitatives pour des choix de mobilité sobre en carbone (crédit d’impôts
pour les véhicules très sobres, prise en charge totale des abonnements transports en
commun…)
Le choix et l’explication de ces compensations est à faire avec soin pour que les
personnes concernées comprennent les conséquences pour elles de ce nouveau dispositif. Il
est de première importance d’identifier ces catégories et de s’assurer que le dispositif prévu
est bien adéquat. Il ne doit cependant pas conduire à la stabilisation de leurs dépenses en
énergie (les aides du type «chèque énergie» sont évidemment à proscrire).
Les mesures d’accompagnement en matière de compétitivité
Les entreprises (hors système SEQEN) qui seraient fortement touchées par cette
contribution (transports routiers, taxis, pêche, notamment) pourraient aussi faire l’objet de
mesures spécifiques leur permettant d’assurer une transition (mais en aucun cas d’être
exonérées de l’effort).
4. Les données chiffrées
À ce stade, il n’est possible de donner que des points de repère. Dans son principe, la
contribution doit être progressive pour être acceptable et permettre de gérer correctement
les transitions; mais son niveau doit finir par être significatif et véritablement dissuasif.
4.1. Valeur du carbone
Différentes études sont en cours pour assurer un chiffrage précis, sur la base de
scénarios énergétiques de référence. Pour la part CO2, un point de repère solide et
consensuel pour la France est donné par le rapport Quinet sur la valeur tutélaire du carbone,
soit 32 euros la tonne de CO2 aujourd’hui. Les points de passage sont de l’ordre dans ce
rapport de 50 euros par tonne de CO2 en 2020, et de 100 euros en 2030. Ces points de
passages mériteront d’être analysés en profondeur pour évaluer leur compatibilité avec
l’objectif de division par 4 des émissions de gaz à effet de serre.
Dans tous les cas de figure, il est important de se rappeler que le but de la CCE est de
rendre significativement plus coûteux le prix unitaire de l’énergie afin que la dépense reste
constante mais avec un volume de consommation moins important. Le taux de progression
doit donc répondre à une double contrainte:
-
Etre annoncé longtemps à l’avance,
-
Mais… pouvoir être révisé si l’objectif d’une baisse annuelle des émissions de 3,5%
environ n’est pas atteint.
4.2. Assiette énergie
Le niveau de l’assiette pour la partie énergie de la CCE reste à débattre. Nous manquons
d’éléments précis et d’études scientifiques sur ce point. Cependant, son assiette devra
évoluer en parallèle de l’assiette carbone (rythme de progression semblable). Par ailleurs,
son niveau devra être calculé pour éviter un report trop massif des énergies fossiles sur
l’électricité. Sur ce point, la conférence de consensus pourra mener des études
complémentaires
4.3. Exemple chiffré
Les chiffres présentés ci-dessous sont construits à partir des hypothèses suivantes:
-
Seules les émissions de CO2 énergétique sont prises en compte (source CITEPA,
2007)
-
L’assiette porte uniquement sur le carbone (pas de contribution énergie)
-
La valeur de la tonne de CO2 démarre à 32euros (rapport Quinet)
-
Les entreprises déjà soumises au système européen des quotas d’émissions sont
exonérées
Emissions de CO2 et secteurs soumis à la CCE:
La structure des émissions de CO2 diffère significativement de la structure des émissions
françaises de gaz à effet de serre, car l’agriculture (presque un tiers des émissions brutes totales) est alors peu représentée. L’industrie est le premier secteur émetteur de CO2 (43%), devant les transports (31%) et le bâtiment (21%). Les émissions de l’industrie s’élèvent à environ 170 MtCO2, mais les trois quarts sont déjà couvertes par le système européen d’échange des quotasd’émissions. Les émissions agricoleses sentiellement du méthane et de protoxyde d’azote font de l’agriculture, un secteur a priori peu concerné par la Contribution Climat Energie.
D’autres mécanismes doivent être envisagés pour donner un prix à ces émissions qui peuventdifficilement, dans un premier temps, être couverte par cette mesure.
Contribution à la CCE, par secteur
La contribution des différents secteurs à la Contribution Climat Energie est radicalementdifférente de la structure des émissions. Les transports sont le secteur qui contribue le plus(49%), puis vient ensuite le bâtiment(résidentiel et tertiaire) avec 31% et enfinl’industrie avec 16%.
L’exonération de la contribution climat énergie pour les entreprises déjà soumises au SEEQE permet de voir que la CCE touche en priorité les deux secteurs diffus prioritaires, à savoir le bâtiment et les transports.
Contribution à la CCE par source
entreprises etadministrations, 59% ménages 41%
Contribution des ménages, contribution des entreprises et administrations
L’analyse de la répartition de lacontribution climat énergie par secteur montre que ce sont les entreprises et lesadministrations qui seront les premierscontributeurs, avec environ 60%descontributions, soit l’équivalent de milliards d’Euros sur les 8,7 Milliards de recettes fiscales pour une tonne de CO2 à32 euros (ce montant ne peut s’extrapoler à une tonne à 100 euros, carà ce moment là la structure des émissions devrait avoir changé, c’est même le but).Pour leur part , les ménages contribueront à hauteur de 40%, soit un peu plus de 3,6 milliards d’Euros.
L’impact sur les prix de l’énergie d’une contribution climat énergie à 32/tonnes de CO2
est relativement modeste. Il est de l’ordre de 0,07 par litre d’essence ou de diesel, et de
0,01 par kWh de gaz.
Les projections selon la valeur tutélaire du carbone du rapport Quinet montre que la
hausse des prix associée à la CCE est relativement modeste, même à l’horizon 2030. A cette
échéance, le prix du gaz devrait ainsi augmenter de 3 centimes par kWh, soit une hausse de
44%, tandis que celui de l’essence devrait gagner 25% environ, soit une hausse de 25
centimes par litre environ.
Rapportée à une augmentation progressive et annuelle, nous sommes ici sur le rythme
de +1 centime d’euros par litre d’essence par an, et de +0,15 centimes d’euro par kWh de
gaz. Ce rythme de croissance n’est peut-être pas suffisant pour diviser par 4 nos émissions,
et il faudra peut-être durcir un peu la pente de croissance de l’assiette.
Allocation et redistribution
Le montant initialement récolté s’élèverait au total à environ 8,7 milliards d’Euros. On
peut s’attendre à ce que ce montant reste stable les premières années, d’une part car il faut
du temps pour adapter les comportements, mais aussi parce que le niveau de la CCE est
relativement modeste au début et que l’élasticité, à court terme, est assez dépendante des
prix.
Pour les ménages:
Le montant collecté et redistribué aux ménages est d’environ 3,5 milliards d’euros la
première année. Considérant qu’il y a environ 26 millions de foyers fiscaux aujourd’hui en
France, la restitution de la première année - au titre de l’allocation universelle climat - serait
de 130 euros par an et par foyer fiscal.
Pour les entreprises:
Le montant collecté et redistribué aux entreprises et administrations est d’environ 5,1
milliards d’euros la première année. Selon nos calculs, et dans les conditions actuelles, cela
correspond à environ un demi-point de cotisation sociale patronale, qui pourra donc être
réduite en conséquence.
Constitution éventuelle d’un fonds de solidarité:
Il est éventuellement possible de prélever une partie de ces recettes, sans nuire au
principe global de redistribution, pour alimenter un fonds de solidarité permettant
d’accélérer la transition pour les ménages et les entreprises les plus vulnérables. Ce fonds
pourrait par exemple financer des travaux d’isolations pour les ménages les plus modestes,
des prêts pour des investissements d’économies dans des entreprises (en particulier du
transport), etc. Toutefois la constitution de ce fonds ne doit pas constituer un préalable à la
mise en place de la CCE.
4.4. La Contribution Climat Energie et l’électricité
La mise en place du système européen d’échange des quotas d’émissions, qui couvre
l’écrasante majorité des installations thermiques de production d’électricité en Europe, a eu
pour conséquence une hausse du prix du kWh électrique, même lorsque le mode de
production n’engendrait pas directement d’émissions de CO2 (par l’alignement des prix sur
les coûts les plus élevés). En France, toutefois, le tarif réglementé supprime de fait la
traduction du prix européen du carbone dans le kWh acheté par les particuliers. Ce travail,
partiellement traité par la Commission Champsaur, doit se poursuivre pourpermettre:
!
d’inciter par les prix à une meilleure maîtrise des consommations électriques, et de
limiter la consommation de pointe. La quasi disparition de fait des instruments
tarifaires du type «Effacement des jours de pointes» pour les particuliers est
particulièrement dommageable, et des alternatives tarifaires méritent d’être
étudiées.
!
d’intégrer un prix du carbone moyen dans le tarif réglementé. Une hausse du tarif peut par ailleurs comporter des mécanismes de progressivité la rendant acceptable
socialement. Cela doit être un élément du débat qui fait suite au rapport de la
Commission Champsaur chargée deréfléchir sur les tarifs de l'électricité, leur
évolution et leur encadrement
!
de mettre en place une modulation afin que le tarif incite à des comportements
vertueux et sobres. Les tarifs devraient être variables dans l’année, notamment en
fonction de la structure carbonée de l’offre, qui connaît une grande variabilité.
4.5. Extension de la Contribution Climat Energie à l’échelle européenne
Dans un premier temps, avec le mécanisme de redistribution proposé, la contribution
climat énergie n’affecte pas la compétitivité globale de la France. Elle avantagera certaines
activités et en désavantagera d’autres, ce qui est précisément son objet. Cependant, la
progressivité du taux rend nécessaire à moyen terme un débat sur l’extension du dispositif à
l’échelle européenne.
La fiscalité est certes nationale, mais 5 pays européens concentrent 75% des
émissionsde CO
2 de l’UE à 27 : Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie, et Espagne. Si
ces 5 pays décidaient, informellement ou formellement, d’une politique fiscale harmonisée
en ce qui concerne la partie carbone, cela limiterait très sérieusement les possibilités de
dumping fiscal, pour des émissions qui, venant essentiellement du transport domestique et
des bâtiments, sont au surplus très peu «délocalisables».
Rappelons que la taxe ne s’appliquerait pas aux gros sites industriels, les plus exposés à
la concurrence internationale, qui sont déjà sous quotas. Cette taxe concernerait
essentiellement le chauffage et le transport, et donc la petite entreprise, l’artisanat, et les
particuliers (donc des émissions largement captives). Il est toutefois possible de la
compléter par un ajustement aux frontières, précisé ci-dessous.
4.6. Contribution climat énergie et mécanismes d’ajustement aux frontières
Si, malgré ce qui précède, certains secteurs très exposés sur le marché international
devaient être trop rapidement mis en péril par cette contribution énergie-climat (ou par les
quotas), on peut imaginer un dispositif complémentaire de «mécanisme d’ajustement aux
frontières», selon le principe suivant (difficile à mettre en oeuvre à court terme toutefois,
dans le contexte européen):
-
exonérer les consommations «incluses» dans des produits exportés hors UE5 (sur
le même principe que la TVA).
-
pour les importations à partir de pays situés hors UE, taxer à l’importation le
carbone ajouté contenu dans ces produits, soit sur la base de la taxe appliquée au
diffus, soit sur la base du prix moyen du quota
6. Une nomenclature douanière
devrait cependant être établie pour évaluer le «contenu en carbone» des produits
importés, notamment pour les matériaux de base qui représentent 80% des
émissions industrielles mondiales.
Compte tenu du fait que les importations concernent essentiellement des secteurs déjà
sous quotas, l’absence d’ajustement aux frontières n’est pas un motif valable pour ne pas
mettre en place une taxe carbone applicable au diffus, ce qui est l’objet de la présente note.
5
L’interdiction d’imposer des droits de douane dans les échanges intra-européens n’ouvre la possibilité que pour
les importations ou exportations ne venant pas de la zone UE.
6
L’assiette du calcul inclurait les quotas alloués (gratuitement ou aux enchères) et le prix moyen du quota sur le
marché, pour refléter le prix d’acquisition réel des émissions par les industriels.
4.7. Le signal prix sur l’agriculture
En France, a peu près un cinquième des émissions globales de gaz à effet de serre sont
d’origine agricole, lequel secteur agricole concentre l’essentiel des émissions de N
2O et de
méthane. Ces émissions méritent donc d’être elles aussi concernées par des mesures
d’atténuation du changement climatique. Cependant, la taxation de ces émissions d’origine
biologique et non énergétique ne peut pas être gérée de la même manière que les
émissions d’origine énergétique.
Plusieurs pistes peuvent être envisagées pour traiter ces émissions :
- Taxer les têtes de bétail pour le méthane, au prorata des UGB (unités gros bovins)
- Taxer la consommation d’engrais pour le N
2O, au prorata des unités d’azote contenues.
- Taxer les déchets agricoles, au prorata des tonnages produits ou estimés.
Cela étant, il est clair qu’instaurer un tel système ne peut se faire que si les agriculteurs et
éleveurs, déjà soumis à de fortes contraintes économiques, peuvent répercuter les surcoûts
qui en résultent à l’aval de la chaîne. Le contexte actuel où les acheteurs de produits
agricoles sont en position de force rend difficile une extension de la CCE au émissions de
N20 et de CH4. Cependant, cet élargissement possible de la CCE mérite une étude
approfondie et rapide, tout en sachant qu’elle renvoie à une problématique plus générale
pour le monde agricole.
5. Annexes
5.1. Réchauffement climatique : donner un prix au problème
Par Sir Nicholas Stern et Nicolas Hulot,
Tribune publiée dans les Echos, Octrobre 2007
La lutte contre le changement climatique est un défi sans précédent et une course de
vitesse nécessitant de mobiliser tous les acteurs pour inventer ensemble un monde
durable. L'obligation de résultat, validée par la communauté scientifique, est connue :
diviser de moitié les émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici a 2050, ce qui
implique une réduction par quatre des émissions pour les pays industrialisés. Le Grenelle
de l'environnement est une occasion historique de s'accorder sur un dispositif cohérent,
réellement efficace et a la hauteur des enjeux, qui permette a la France de tenir ses
engagements et d'envoyer un signal fort, positif, opératoire, a l'Europe et au reste du La
lutte contre le changement climatique est un défi sans précédent et une course de vitesse
nécessitant de mobiliser tous les acteurs pour inventer ensemble un monde durable.
L'obligation de résultat, validée par la communauté scientifique, est connue : diviser de
moitié les émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici a 2050, ce qui implique une
réduction par quatre des émissions pour les pays industrialisés. Le Grenelle de
l'environnement est une occasion historique de s'accorder sur un dispositif cohérent,
réellement efficace et a la hauteur des enjeux, qui permette a la France de tenir ses
engagements et d'envoyer un signal fort, positif, opératoire, a l'Europe et au reste du
monde.
Pour être économiquement, socialement et politiquement viable, l'objectif de réduction
des émissions de gaz a effet de serre doit être atteint au moindre coût. Demain, il sera trop
tard, l'emballement cumulatif des conséquences du dérèglement climatique présentera
une facture économique exorbitante et humainement insoutenable. C'est maintenant,
quand nous le pouvons encore, avec les instruments dont nous disposons, qu'il faut agir.
Le consensus est total chez les économistes sur la nécessite de donner un prix
progressivement croissant à toutes les émissions à l'origine du changement climatique.
Autrement dit : il s'agit de faire émerger un prix du carbone (issu principalement des
énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz) et de donner aux entreprises, aux ménages et
aux administrations des incitations cohérentes pour que tous les acteurs économiques
réduisent leurs émissions. Cela peut se faire par des taxes, des permis d'émission ou par
une combinaison de ces deux instruments, comme la contribution climat-énergie proposée
au Grenelle, articulée avec le système européen de permis d'émission, pourvu que chacun
soit confronté a un signal équivalent. Le respect de l'égalité de traitement entre les acteurs
et l'équité sociale sont déterminants dans l'acceptation de ce signal. Afin de limiter l'impact
de la charge nouvelle que provoquerait une fiscalité sur le carbone, on peut imaginer
qu'elle soit compensée par une baisse de la fiscalité sur le travail, aussi bien sur la part
patronale que sur la part salariale.
Au final, il s'agit de se doter d'une boîte à outils complète en matière de politique
publique de lutte contre le changement climatique. Celle-ci se structure naturellement
autour de la fiscalité, des mécanismes de marche, et des normes et règlements, mesures
qui s'articulent entre elles. C'est donc ainsi que seront encouragés les changements de
comportements et les innovations scientifiques, techniques et industrielles.
Les consommateurs modifieront leur manière de se déplacer, de choisir leur lieu
d'habitation ou de chauffer leur logement. Les entreprises changeront leurs procédés de
fabrication et de commercialisation, et les agriculteurs leur façon de produire. Les
politiques publiques d'investissement et d'aménagement intégreront cette nouvelle
donne. Les économies d'énergie et le recours à des sources d'énergie durables et propres
seront encouragés. C'est seulement en donnant un prix au problème, qu'on évitera de
subir la crise énergétique et climatique et qu'on préparera l'avenir. Attribue
prix en croissance régulière, jusqu’à la réduction par quatre de nos émissions de gaz à
effet de serre, constitue la colonne vertébrale de la révolution écologique autour de
laquelle nous devons désormais nous organiser. Cela provoquera les changements
structurels nécessaires et inscrira durablement nos sociétés sur la trajectoire du Facteur 4.
C'est un extraordinaire vecteur permettant à la fois la sanction des activités les plus
polluantes et la valorisation des comportements « vertueux », sobres en carbone. Les
acteurs économiques sont prêts. Ils savent que l'économie ne peut plus continuer de
croître indéfiniment sur la dangereusement déstabilisatrice pour la planète. Ce qu'ils
demandent, ce n'est pas l'absence de mesures, mais la stabilité des règles et la visibilité a
long terme.
Si elle embrasse le double principe de l'adoption de ce « signal-prix » et d'une visibilité
a long terme, la France, qui va prochainement présider le Conseil de l'Union européenne, a
un moment crucial des négociations internationales sur le climat, aura acquis la crédibilité
qui lui permettra de plaider son adoption au niveau européen puis international. Nous le
réaffirmons fortement : donner un prix au carbone, c'est le message central que doit
envoyer le Grenelle de l'environnement ; c'est ce prix qui fera évoluer fondamentalement
les comportements de consommation et les procédés de production, c'est lui qui orientera
les développements scientifiques, techniques et industriels vers une économie qui ne
concoure pas au chaos que le réchauffement climatique promet.
Sir Nicholas Stern est l'auteur du rapport Stern sur l'économie du changement
climatique, coprésident du groupe 1 du Grenelle de l'environnement.
Nicolas Hulot est président de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme.
5.2. Une fiscalité écologique: la voix de la raison
Par Nicolas Hulot et le CVE,
Tribune publiée dans les Echos, Juin 2008
Depuis maintenant plusieurs années, bon nombre d’experts nous avertissent du double
risque que nous courons. D’une part la production pétrolière mondiale devrait plafonner
puis décroître en l’espace d’une génération, entraînant une hausse des prix. D’autre part le
risque d’un changement climatique majeur est avéré si nous ne réduisons pas massivement
nos émissions de gaz à effet de serre. La conjonction des crises climatique et énergétique
risque donc de laisser à nos enfants un goût bien amer quant à ce qu’ils pourront percevoir
de notre sens des responsabilités. Dans ce contexte, la France s’est fixé un cap: diviser par 4
ses émissions d’ici 2050.
En n’envisageant que des mesures palliatives qui visent à compenser la hausse du prix
de l’énergie, (prime à la cuve, baisse de la TVA), nos gouvernements font une double erreur
de lecture. La première est d’encourager des modes de consommation incompatibles avec
les impératifs climatiques. La deuxième est de refuser de voir que l’énergie coûtera de toute
façon plus cher, en raison des réserves finies d’hydrocarbures et du plafonnement des
capacités de production.
L’urgence est donc de sortir nos sociétés de cette dépendance aux énergies fossiles. Si
l’Union Européenne est en train de prendre des mesures significatives pour les émissions
concentrées de CO2 (industries lourdes), elle laisse le secteur des émissions diffuses (le
logement, le transport…) à la responsabilité des Etats membres.
Proposer l’instauration d’une nouvelle taxe sur l’énergie, à l’heure où son prix augmente
fortement, ne relève pas d’une provocation irresponsable. C’est au contraire la voix de la
raison. C’est donner à tous les acteurs le signal qu’ils doivent se préparer à une évolution
inédite depuis le début de la révolution industrielle: la hausse structurelle du prix de
l’énergie, alors que la valeur de celle-ci n’a cessé de diminuer depuis deux siècles
7. C’est se
prémunir contre le risque climatique. C’est de plus conserver les moyens financiers dans les
pays consommateurs plutôt que de les laisser partir vers les pays producteurs.
C’est pour cela que la Fondation Nicolas Hulot a proposé lors du Grenelle la mise en
place d’une Contribution Climat-Energie, c’est-à-dire d’une taxe progressivement croissante
sur l’ensemble des combustibles fossiles et, de manière différenciée, sur l’énergie non
fossile. Augmenter le prix de l’énergie de cette manière n’a pas vocation à appauvrir les
ménages. Elle vise au contraire à nous prémunir des risques sociaux et économiques d’une
évolution qui ne serait pas choisie mais subie.
Toute la question est alors de savoir à quoi le produit de cette mesure fiscale sera
employé. Nicolas Sarkozy s’est engagé à mettre en oeuvre une politique fiscale «en faveur
de l’environnement». Mais il a aussi clairement indiqué que «tout prélèvement nouveau
sera compensé de manière stricte». C’est dans ce cadre que nous avons élaboré une
proposition originale et précise d’affectation pour la Contribution Climat-Energie qui
permettrait une redistribution de pouvoir d’achat.
Pour les particuliers, nous proposons la redistribution intégrale du produit de la taxe sous
forme d’une
allocation universelle climat identique pour tous. Ainsi, chaque année, tous les
ménages recevront un chèque de l’administration fiscale. Son montant serait d’environ 130
par ménage pour une taxe basée la première année sur un prix du carbone à 20 par tonne
de CO2. Cela correspond environ à une hausse du prix du gaz de 0,5 cts par kwh, et de 5 cts
par litre de carburant.
7
Ainsi, comme le rappel l’IFP, «Avec 1 heure de SMIC, on peut acheter 4,5 litres d’essence en mai 2008, contre 3
litres en 1974).
Augmenter à la fois le revenu (par l’allocation) et le prix de l’énergie fossile (par la
fiscalité) présente un double avantage: inciter les ménages à modérer de plus en plus leurs
consommations d’énergie, et leur donner les moyens d’effectuer les investissements
nécessaires pour consommer moins. Ainsi le citoyen recevra ce que paye le consommateur.
La contribution climat-énergie est donc efficace au plan environnemental et équitable au
plan social. Les ménages modestes consomment en effet en valeur absolue beaucoup
moins que les ménages les plus aisés. Autrement dit, les ménages modestes seront
davantage aidés, puisque leur consommation d’énergie est moindre.
Pour les entreprises concernées par le dispositif, (celles qui ne sont pas soumises au
système européen des quotas) nous proposons de baisser les cotisations sociales
patronales à concurrence exacte du montant collecté. Diminuer le coût du travail sera
bénéfique pour l’emploi. 20 par tCO
2 la première année permet la baisse de 0,3 point de
cotisations.
Renoncer à un tel dispositif dans un pays qui importe 99% de son pétrole et 97% de son
gaz, c’est la faillite annoncée. Avec la contribution climat-énergie, la France prendra une
longueur d’avance et abordera la Présidence Française de l’Union Européenne en ayant
donné le meilleur exemple qui soit de politique publique adaptée.
Par Nicolas Hulot, président de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, Dominique
Bourg, Patrick Criqui, Alain Grandjean, et Jean Marc Jancovici membres du Comité de Veille
Ecologique de la Fondation Nicolas Hulot
Cettemesure sera fortement progressive, au sens fiscal du terme, car initialement les ménages
situés dans le bas de l’échelle des revenus toucheront en moyenne plus d’allocation qu’ils
n’auront payé de CCE, et inversement pour les ménages situés en haut de l’échelle. Ensuite,
l’évolution dépendra bien sûr des efforts entrepris pour faire des économies d’énergie.
Augmenter à la fois le revenu (par l’allocation) et le prix de l’énergie fossile (par la
fiscalité) devrait donc présenter un double avantage: cela incitera les ménages à modérer
de plus en plus leurs consommations d’énergie, tout en leur donnant les moyens d’effectuer
les investissements nécessaires pour consommer moins.
à la fois pour des questions théoriques (la TIPP correspond à d’autres externalités), de lisibilité et de droit fiscal (la TIPP est soumise à des contraintes européennes). Il doit être clair par exemple qu’elle concerne aussi les
usages thermiques des énergies fossiles dans le bâtiment.
Sa progressivité est à définir, sachantqu’elle devra probablement être plus rapide que celle du pouvoir d’achat pour être efficace
sur la consommation totale d’énergie.