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26 novembre 2014 3 26 /11 /novembre /2014 23:37

Le droit à l’avortement n’est pas un acquis social mais un droit fondamental, conquis de haute lutte partout en Europe par des générations entières de femmes et d’hommes, une reconnaissance de leur liberté de disposer de leur corps, de choisir pour eux-mêmes le cours de leur existence.


Vouloir revenir sur ce droit, comme cela a failli se faire en Espagne et a pu être évité grâce à la mobilisation de centaines de milliers de femmes, ou comme une droite extrême veut le faire en France, est inadmissible. Inutile de préciser que les premières victimes de ce contresens historique sont les femmes. Car interdire l’avortement, ou réduire les conditions de sa mise en œuvre, ne permettra aucunement de diminuer les grossesses non désirées. On le sait, toute politique de prohibition a pour corollaire le développement de la clandestinité. Et le retour des aiguilles à tricoter et des cintres dont les conséquences dramatiques sont bien connues, qu’il s’agisse de la stérilité ou, pire, des décès de femmes enceintes. Pratiquer une interruption volontaire de grossesse dans l’illégalité, c’est rendre encore plus dangereux cet acte pour les femmes. Et cela renforce encore les inégalités puisque celles qui en ont les moyens vont se faire avorter à l’étranger.


40 ans après le vote de la loi Veil, sommes-nous en France à l’abri d’un tel recul ? Nous n’avons pas cette certitude. Même si le volontarisme de notre gouvernement va dans le bon sens, n’oublions pas que ce droit demeure en France plus fragile qu’il n’y parait. A l’attitude du Parlement européen qui a refusé de sanctuariser ce droit en décembre 2013, s’ajoute le flou originel de la loi française de 1975. L’inscription de la notion de « détresse » pour une femme enceinte qui recourt à l’IVG, les délais de réflexion culpabilisants qui entourent la procédure, la clause de conscience dont bénéficient les praticiens font perdurer autour de l’acte une dimension sulfureuse qui en fait un acte médical pas comme les autres, comme s’il s’agissait d’une dérogation accordée aux femmes.


C’est sur cette ambigüité que s’appuie le Front national lorsqu’il qualifie certains avortements d’ « IVG de confort », comme pour réactiver de vieux démons réactionnaires et discréditer l’IVG elle-même.


A ces oppositions aujourd’hui minoritaires s’ajoutent d’autres menaces, aux effets tout aussi dévastateurs. Sous couvert du manque de moyens et de restructurations, nous assistons depuis plusieurs années en France à des fermetures de centres IVG et à une démobilisation des praticiens. Les médecins militants acceptant de pratiquer cette intervention gratuitement ou pour pas grand-chose sont désormais plus rares. Autrefois, l’enjeu n’était pas la rémunération, mais le droit de disposer de son corps, de maîtriser sa sexualité et de décider de sa parentalité. Aujourd’hui, cet engagement militant s’est un peu perdu, d’où aussi l’accroissement des délais de consultation. Partir à l’étranger pour avorter est malheureusement redevenu une réalité pour de nombreuses Françaises.

Revaloriser encore l’acte pourrait être une solution. Mais c’est aussi aux médecins d’assumer l’héritage de leurs aînés. Car le besoin d’IVG, lui, ne faiblit pas et continue d’exiger des réponses rapides, humaines et adaptées. Durant sa vie, une française sur quatre reste concernée par la question de l’avortement.


Le droit à l’avortement ne sera pérenne que quand l’IVG sera devenue un acte médical comme les autres. Et le débat qui l’entoure devenu raisonné, dépassionné, débarrassé du fardeau de la honte et du secret, qui fait que pour une majorité des femmes qui y ont recours, l’avortement reste inavouable.


Et puisque nous nous flattons d’être la patrie des droits de l’être humain, n’ayons pas peur face à nos voisins espagnols aujourd’hui, et face aux autres demain, de revendiquer l’IVG comme l’un d’entre eux.

 


D’après une ancienne tribune de Barbara Pompili

 

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