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17 août 2011 3 17 /08 /août /2011 21:13

Le 4 août 2011, Mark Duggan, un britannique de 29 ans, est abattu par la police lors d'une interpellation. Deux jours plus tard, le quartier londonien de Tottenham s'embrase. Manchester, Birmingham, le mouvement se répand et débouche sur plusieurs nuits d'émeutes et de pillages, faisant au moins cinq morts. Après une mobilisation massive des forces de police, les émeutes se calment, laissant derrière elles une Angleterre hébétée.

 

Sud-Ouest 11 08 2011

La Grande-Bretagne fait tout pour juguler ses émeutes urbaines. Mais, là comme ailleurs, les racines de la violence semblent profondes. Entretien avec Alain Bertho, spécialiste des phénomènes émeutiers

 « Sud Ouest ». L’hiver dernier, des manifestations étudiantes s’étaient soldées par des violences dans le centre de Londres. Y a-t-il des points communs avec les troubles actuels ?

Alain Bertho. La matrice qui conduit à ce type d’affrontement est toujours la même : un effondrement de la représentation politique telle qu’on la connaît depuis un siècle. Il y a un certain nombre de colères et de frustrations qui ne trouvent plus d’espace politique pour s’exprimer. Les jeunes de Manchester et de Birmingham sont face au même mur d’incompréhension que les étudiants britanniques confrontés à l’envolée de leurs droits d’inscription. En ont-ils conscience, ce n’est pas sûr ! Les cibles ne sont pas identiques, à quelques mois d’intervalle, mais le passage à l’acte est plein de réminiscences. Rappelons-nous que le siège du Parti conservateur a été mis à sac par les étudiants. Et, en mars, la grande manifestation organisée à Londres contre la réforme des retraites s’est aussi terminée par des échauffourées, un fait assez rare dans la période récente en Grande-Bretagne.

S-O : Les émeutes au Royaume-Uni, le mouvement des Indignés en Espagne, les violences en Grèce… La jeunesse européenne est-elle en révolte ?

AB : L’émergence de coups de sang collectifs est un phénomène mondial qui s’exprime de façon identique d’un continent à l’autre à partir de situations assez récurrentes, dont la mort d’un jeune. Il y a d’autres faits générateurs qui reviennent, comme les mobilisations étudiantes, les coupures d’électricité (pas en Europe) ou encore la répression du commerce informel. In fine, on retombe invariablement sur les effets de la mondialisation. On dénombre plus de 1 200 émeutes dans le monde en 2010, plus de 1000 depuis le 1er janvier de cette année. Les acteurs de ces émeutes sont des jeunes, qu’ils soient éduqués, issus de classes populaires ou chômeurs. Le cas français est assez spécifique. Chaque classe sociale explose dans son coin. C’était également vrai en Grèce avant 2008, dans une certaine mesure.

S-O : Comment expliquer que les mêmes causes sociales ne débouchent pas sur les mêmes débordements ? L’Irlande a manifesté pacifiquement contre la rigueur en novembre 2010…

AB : L’alchimie nationale est toujours particulière. En Grèce, la « génération 600 euros », c’est tout le monde. La colère, c’est tout le monde. La question des mots utilisés par les gouvernements pour se justifier est également essentielle. En 2005, en France, c’est la mort de deux jeunes, mais aussi la façon dont on l’a commentée, qui ont déclenché les feux.

SO : Et le mouvement des Indignés, en Espagne ?

AB : C’est un mouvement extrêmement intéressant. Son inspiration est sans doute à chercher du côté du printemps arabe. La contestation de masse n’y est pas réduite à l’affrontement et à la défaite. Elle passe par la parole, par la possibilité de porter un discours et des revendications. Tant qu’il n’y a pas de réponse violente du pouvoir, il n’y a pas de basculement dans l’émeute. Ces modalités permettent une circulation de la mobilisation d’un pays à un autre. Alors qu’il n’y a pas de contagion de l’émeute hors des frontières.

S-O : Qu’il s’agisse d’Israël, de l’Espagne ou de la Grande-Bretagne, la classe politique semble stupéfaite. Pourquoi ?

AB : Elle a partout les yeux rivés sur les contraintes internationales. À partir du moment où la survie des États est à la merci des agences de notation et des marchés financiers, les marges de manœuvre pour les politiques sociales sont annihilées. Les gouvernants sont tétanisés par ce carcan. Ils ont parfois du mal à se rendre compte qu’ils sont en charge d’un peuple. C’était particulièrement éclatant dans les jours qui viennent de s’écouler.

S-O : Les ingrédients pour une flambée de violence existent-ils en France ?

AB : On les a en permanence depuis 2005. Il y a quelque chose de larvé depuis cette date. Notre pays est l’un de ceux dans le monde où l’on compte le plus d’émeutes après la mort d’un jeune. 2005, 2007 à Villiers-le-Bel, Grenoble l’an passé, Saint-Aignan… À un moment, des centaines de personnes qui ne se connaissent pas se retrouvent pour se rebeller à partir d’un élément déclencheur. Mais personne ne peut savoir si cela arrivera ici, ni quand

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