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15 avril 2009 3 15 /04 /avril /2009 23:25

la contre-démocratie : la politique à l'âge de la défiance de Pierre Rosanvallon :  (Seuil).

Le livre, un peu ancien, de Pierre Rosanvallon s’attache à mettre en lumière un nouveau phénomène de notre démocratie : "l’ensemble des pratiques de surveillance, d’empêchement et de jugement au travers desquelles la société exerce des pouvoirs de correction et de pression"  .

Ce phénomène a pour origine l’érosion du rapport de confiance entre gouvernants et gouvernés, érosion conduisant à une crise politique profonde, et surtout, durable. La confiance joue en effet un rôle fondamental tant dans les relations économiques que dans les rapports politiques. Surtout, cette "contre-démocratie" a pour corollaire ce que Pierre Rosanvallon appelle une "démocratie impolitique" : essentiellement critique, la "contre-démocratie" a pour conséquence la paralysie de l’action politique des gouvernants, en même temps qu’elle est incapable de se substituer aux institutions politiques dans l’ordre de l’action.

Il existe selon Pierre Rosanvallon deux types de défiance. La première, libérale, consiste à se méfier d'un pouvoir trop fort. Ce principe de modération repose sur la Constitution, sur des règles limitant le pouvoir. La seconde est une forme de défiance démocratique exercée à travers les médias, les associations, les ONG et les groupes de citoyens. Ces voix construisent une attention démocratique et un pouvoir d'alerte.

Avant, il y avait une confiance aveugle des électeurs, notamment dans les préceptes du Parti communiste ou dans le discours gaullien. Aujourd'hui, l'électeur ne donne plus de chèque en blanc pour un mandat. Au-delà, nous assistons à un basculement des formes de défiance positive vers une défiance négative. Au lieu d'un appel à la vigilance, le citoyen stigmatise le pouvoir, considéré comme extérieur à la société.

Comment cela se traduit-il ? Le pouvoir politique est perçu comme mauvais, donc on le diabolise plutôt que de le corriger ou de le mettre à l'épreuve. Cette dégradation mène au populisme. Cela est très fort chez les populations se sentant abandonnées par l'Etat. Vivant en marge de la société, où il y a une précarité réelle et une incompréhension du système tel qu'il fonctionne, elles veulent le mettre à la porte. Cela se traduit par le remplacement  des élus qui l'ont déçu. Cela ne procède plus d'un choix, mais d'une élimination. En Europe, des partis incarnent cette haine : on ne vote pas pour leur programme, mais parce qu'ils stigmatisent le pouvoir et l'immigration. Ce discours ne fait que prendre en charge ce rejet, il redouble donc le problème.

L’avènement de la "contre-démocratie" est lu comme une "relativisation du fait institutionnel et des questions constitutionnelles", dans la mesure où la souveraineté du peuple viendrait dorénavant s’incarner non plus seulement dans la figure de l’électeur, mais dans celle de l’acteur de la société civile, via cet ensemble de nouvelles pratiques de défiance

Certains pensent que les politiques sont différents d'eux, qu'ils ignorent leurs problèmes. Il y a alors une demande contradictoire. L'électeur veut que le politique lui ressemble, mais qu'il soit capable de gouverner. Pour représenter le citoyen, le politique doit trouver un langage qui donne sens à la vie des gens. Le langage politique ne parvient pas à décrire le réel et à le modifier.

Cela n’est possible que  si distance entre politiques et citoyens est réduite. Le citoyen est réaliste, il sait qu'après avoir voté son travail n'est pas fini. Il a intérêt à être électeur et contrôleur. Il faut muscler les formes de défiance positive, civique, associative, voire les institutionnaliser. La démocratie ne peut pas être intermittente. L'établissement de jurys citoyens, afin de connaître l'avis de la population sur le pouvoir tel qu'il est exercé, est une piste. Internet offre un accès illimité à la prise de parole, mais il ne produit pas de sens commun. C'est à la fois la démocratie absolue et l'impolitique absolu. Il dissémine, alors que la politique doit cristalliser et trancher.

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