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26 novembre 2017 7 26 /11 /novembre /2017 18:48

Cette semaine, il n’y avait pas que le travail ou la politique. Mais aussi la culture. Je reste profondément convaincu que l’art, sous toutes ses formes, reste une source indispensable à la démocratie et à la liberté. Ici et ailleurs.

Tout d’abord, je suis allé voir jeudi soir  à l’Avant-Seine de Colombes, dans une salle bondée, Harlem Quartet. A la mort de son frère Arthur, Hall Montana se souvient, raconte et retrace, trente ans plus tard, la vie de sa famille, de ses amis, une communauté noire américaine vivant à Harlem dans les années 50/60.  C’est l’histoire d’une marche dans la mémoire d’un homme qui vient de perdre son frère. C’est une histoire d’amour entre frères, entre amis, entre parents et enfants. C’est l’histoire des Etats-Unis entre 1945 et 1975  vus par des noirs américains. C’est l’histoire d’un noir américain homosexuel dans ces années là. C’est une histoire de déchirements, de séparations, de morts. C’est une histoire d’une grande modernité. Cette pièce, mise en scène par  Elise Vigier, est adaptée du roman Just about my head, de James Baldwin. La musique y est présente, la religion aussi, et les deux forment le gospel omniprésent.

Il y a Julia, la jeune évangéliste qui enflamme les foules, Jimmy, son petit frère souffre-douleur, Arthur, qui manifeste déjà son talent de chanteur de gospel, et lui-même, le frère aîné d’Arthur, qui s’apprête à partir pour la guerre en Corée.
Il y a Harlem traversé par l’amour, la religion, la souffrance, l’inceste, la drogue. Élise Vigier propose avec Harlem Quartet une plongée dans l’écriture sensuelle de James Baldwin mort en 1987 et qui a longtemps vécu en France et y est mort.

La mise en scène,  qui comprend à la fois un accompagnement musical et des images de Harlem qui défilent en contrepoint des différentes scènes, est d’une grande sobriété. Elle est même majestueuse.  Les acteurs sont formidables et tellement habités par leur rôle. Ce sont vraiment de grands acteurs. Méconnus, au moins de moi, mais de grands acteurs. Je ne comprends pas qu’on ne fasse pas plus appel à eux dans le théâtre ou le cinéma. Est-ce parce qu’ils sont noirs de peau? Je les  cite ici ca ils le méritent bien : Ludmilla Dabo, William Edimo, Jean-Christophe Folly, Nicolas Giret-Famin, Makita Samba, Nanténé Traoré.

Puis, hier soir, après le congrès départemental d’Europe Ecologie-Les Verts, c’était soirée cinéma avec  Le Brio de Yvan Attal. C’est une confrontation entre deux personnes qui ne sont pas du même monde. L’exercice est périlleux, car il y a eu déjà des tas de comédies jouant sur le décalage entre deux personnages. Et bien Yvan Attal et ses acteurs ont réussi leur pari. Cette confrontation entre un professeur de droit réactionnaire, élitiste et désabusé et une jeune de banlieue qui accède à la faculté de droit à Assas pourrait être cousue  de fil blanc, en quelque sorte, mais elle est au contraire jubilatoire et plein de tendresse. Du fait de son attitude déplaisante, le professeur (Daniel Auteuil) doit mener, pour sanction, l’étudiante (Carmélia Jordana) le plus loin possible dans un concours d’éloquence. Les dialogues sont magnifiquement ciselés, les tempéraments, entiers, se fendent peu à peu, et l’émotion jaillie de cette comédie douce-amère, au point que j’en ai eu les larmes aux yeux. Tous les seconds rôles sont excellemment écrits et interprétés. Et cerise sur le gâteau, c’est bien filmé.  

Enfin ce matin, j’ai pris le temps de regarder une série documentaire que j’aime bien, la Galerie France 5. Le documentaire était consacré à Modigliani et Soutine, derniers bohèmes de Montparnasse, deux peintres de l’école de Paris entre 1910 et 1930. Je les connais vaguement, mais j’ai pu découvrir leur histoire, leur style très différent, et leur amitié. L’un italien, l’autre russe, tous les deux juifs, un style tellement différent l’un de l’autre. Ils font connaissance en 1915 par l’intermédiaire du sculpteur Jacques Lipchitz, certainement à « la Ruche », dans le quartier du Montparnasse, où se retrouvait toute une communauté d’artistes, souvent juifs, venus des quatre coins du monde. De cette rencontre artistique naît une fulgurante amitié. Parisien d’adoption depuis huit ans déjà, Modigliani prend sous son aile Soutine, de dix ans son cadet. Tous les deux réformés (c’est la &ère guerre mondiale), car de santé fragile, ils vivent cité Falguière dans des conditions très difficiles. Ensemble, ils souffrent de la faim et du froid, qu’ils tentent de noyer dans l’alcool et la drogue. Frappé par le travail des volumes chez Cézanne et influencé par les arts africains et asiatiques exposés au musée du Trocadéro, Modigliani affine son style caractéristique, axé essentiellement sur une approche sculpturale des personnages. Loin de la pureté de la ligne de son ami, l’expressionnisme violent et tourmenté de Soutine provoque et choque. Ce grand admirateur de Rembrandt déforme, vieillit et enlaidit même ses modèles. Ces compagnons de misère ont pourtant un point commun : révéler l’âme par le portrait. Pour Marc Restellini, historien d’art, « l’un la montre par la beauté, l’autre par la laideur. L’approche est opposée, mais la quête est la même ».

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