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28 septembre 2015 1 28 /09 /septembre /2015 09:00

Le mois de juillet 2015 a battu dans le monde le record absolu de chaleur, avec +0,77 °C de plus que la moyenne du XXème siècle, ce qui signifie donc largement plus de 1°C par rapport à la période pré-industrielle.

La Birmanie vient d’être confrontée à des inondations monstres, la pire catastrophe depuis un siècle. Pires inondations aussi depuis 30 ans en Argentine, et moussons exceptionnellement fortes en Inde et au Pakistan.

En Californie, ce sont des incendies, liés à des sécheresses exceptionnelles, qui ont déjà dévasté une surface équivalente à la taille de la Bretagne ou de la Bourgogne.

On pourrait encore multiplier les exemples. Pour ceux qui imaginent que le changement climatique, c’est juste une menace, grave mais lointaine, il faut dire sans relâche que c’est déjà aujourd’hui que le dérèglement climatique brise des vies, menace l’économie des pays les plus fragiles, provoque des migrations fortes et désorganise des régions entières, comme autour du lac Tchad où ses pires conséquences, dans ces régions déstabilisées, peuvent aussi se nommer Boko Haram.

Il nous faut donc agir, vite et à la hauteur des enjeux, et c’est l’attente que nous avons tous de la COP21 à Paris, 6 ans après l’échec de Copenhague. Cette attente est très forte, mais il serait dangereux de croire ou de laisser croire que cet accord universel puisse se trouver facilement, tant cette négociation est, sans nul doute, la plus complexe jamais organisée, impactant toutes les économies au monde, engageant des systèmes politiques eux aussi très divers.

Quelques remarques :

La première est sur l’enjeu de cette COP21. Cela pourrait apparaitre comme une lapalissade, mais nous pouvons considérer que son enjeu est d’amener à une baisse massive et rapide des émissions de gaz à effet de serre...

Mais pour cela, il faut donc que tous ceux qui ont capacité à agir concrètement soient dans l’action, et ils ne seront dans l’action que s’ils croient à un scenario crédible de partage de l’effort pour stabiliser le réchauffement sous les 2 degrés.

A ce jour, nous savons que les contributions volontaires nationales ne donnent pas ce scenario 2°C. Si nous compilons les efforts annoncés de l’Europe, de la Chine, des Etats-Unis, qui ont progressé ; du Japon, de l’Australie ou du Canada, qui continuent de régresser, nous sommes aujourd’hui plutôt sur un scenario au-delà des 3°C, qui n’évite pas la catastrophe, même si il en recule quand même les échéances par rapport au scenario du laisser-faire.

C’est la réalité de la négociation. Nous devons continuer à nous mobiliser, faire pression sur les Etats pour augmenter l’ambition, mais nous savons, il ne servirait à rien de se le cacher, qu’il est peu probable que les Américains ou les Chinois bougent aujourd’hui leur proposition.

Nous ne devons pas masquer que le compte n’y est pas, n’y sera pas totalement à Paris, mais si nous ne voulons pas que le monde désespère, que l’énergie des uns et des autres ne soit pas mise à produire des barbelés plutôt que des panneaux photovoltaïques - car dans un monde de menaces, c’est ainsi que les peuples risquent de réagir - alors nous n’avons guère le choix, qui n’est en rien une résignation, que d’intégrer cet accord imparfait dans une histoire crédible et exigeante.

Ainsi, l’un des enjeux de la négociation de Paris, qui fait l’objet de dures négociations, c’est aussi les mécanismes de révision de l’accord, pour faire que dès 2020, les ambitions soient revues à la hausse ; c’est, en complément, la capacité de mesures par des structures indépendantes, des efforts réels des uns et des autres, pour faire en sorte que les moyens déployés pour déjà réduire les émissions de 30 à 40% d’ici 2030 soient renforcés le plus rapidement possible, permettent de relever le niveau d’ambition.

Alors, pour crédibiliser cet accord, renforcer l’ambition, répondre aux enjeux, quelles sont aujourd’hui les principales pistes ?

D’abord, le rôle des acteurs non-étatiques. Comme le dit si bien Pierre Radanne, l’accord sur le climat est le premier accord universel à solidarité obligatoire. Les émissions de gaz à effet de serre dépassent les frontières, et cette réponse au défi du XXIème siècle ne peut donc pas être laissée uniquement dans le cadre d’une négociation à 200 Etats défendant aussi en permanence leurs intérêts immédiats.

Dans ce cadre, le rôle à l’échelle mondiale des acteurs non-étatiques est essentiel : collectivités territoriales, entreprises, peuples autochtones qui ont un rôle-clé sur la défense des forêts, associations et ONG de défense de l’environnement, des droits des femmes, organisations de jeunesse...

La montée forte de ces acteurs dans la conférence Climat à côté de la négociation verticale des Etats, leur aptitude à développer des expertises indépendantes, leur capacité à s’exprimer ensemble à l’échelle mondiale sont des évolutions importantes, précieuses pour contribuer à un succès des négociations. C’est notamment ce qu’a montré le Sommet mondial Climat et Territoires, qui a eu lieu à Lyon, en région Rhône-Alpes, les 1er et 2 juillet derniers, avec la déclaration mondiale la plus largement signée de l’histoire des négociations climat, soutenue pour la première fois par l’ensemble des réseaux majeurs d’acteurs non-étatiques mondiaux.

Cette déclaration rappelle l’importance d’une approche territoriale et le lien très fort avec les enjeux de développement.

Sur l’importance de cette approche territoriale, il n’est pas inutile de rappeler que 50% des émissions mondiales de GES sont liés à la vie quotidienne. Ainsi, il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs mondiaux, et pour les Etats de tenir leurs engagements de réduction d’émissions, sans les engagements de leurs propres territoires. Dans certains pays, ce sont d’ailleurs les engagements des territoires qui permettent d’espérer face à la passivité et l’absence d’ambitions de leurs Etats : l’Australie du Sud, le Québec ou la Colombie britannique s’engagent bien plus que leurs propres pays, Australie ou le Canada.

C’est aussi l’enjeu en France. Et d’expérience, nous savons que ce sont les territoires en France font le plus : Grenoble, Nantes ou la région Nord Pas de Calais par exemple, mais il y en a bien sur d’autres, présentent les meilleurs résultats quantitatifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Et ce n’est pas un hasard si ce sont des territoires où les plans climat ont été portés par des élus écologistes.

La loi sur la transition énergétique a d’ailleurs renforcé le rôle des régions et des intercommunalités, en rendant obligatoires la mise en place des SRCAE et des PCAET, les élus régionaux écologistes y ont veillé. Aussi, plus il y aura d’élus écologistes dans les régions, le 13 décembre prochain, alors plus la France aura de chance d’atteindre, voire de dépasser, ses engagements internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L’autre enjeu, c’est le développement. Nous n’avons pas, en 2015, une mais plusieurs négociations, au moins trois : Addis-Abeba sur le financement du développement, c’était en juillet dernier, les objectifs de développement durable en septembre à New York, et le climat à Paris en décembre.

Addis-Abeba aura finalement été surtout un sommet d’attente, avec assez peu d’enthousiasme et beaucoup d’attentisme, les ministres et ambassadeurs des pays en développement redonnant, lors de leurs interventions de conclusion, rendez-vous à Paris aux pays les plus riches.

Nous connaissons l’engagement pris par les Etats développés à Copenhague de trouver 100 milliards de dollars par an pour les pays les plus fragiles, pour leur accès à l’énergie et répondre aux enjeux d’adaptation. On en est aujourd’hui à 10 milliards de promesses de dons sur 4 ans pour le Fonds vert mis alors en place, on est donc encore bien loin du compte, et même si ces financements ne se limitent pas à abonder le Fonds verts, on mesure le chemin qui reste à parcourir.

Les pays développés doivent augmenter leurs contributions financières avant Paris. La France avait fait une première annonce, l’Allemagne vient d’annoncer une importante contribution supplémentaire, il faudra que les autres suivent, il faudra que nous-mêmes nous augmentions notre propre contribution.

Pour finir sur le rôle de la France, il ne s’agit pas de l’exagérer : la France n’a pas seule la responsabilité de l’accord, ce sont bien 200 Etats qui négocient, et c’est l’Union européenne qui négocie pour les Etats européens. La délégation européenne sera d’ailleurs présidée pour la COP par l’écologiste Carole Dieschbourg, la ministre du Luxembourg.

Mais la France doit être cohérente et exemplaire, sur le fait de tenir ses propres objectifs, et la programmation pluriannuelle de l’énergie devra être ambitieuse et crédible pour tenir les -40% en 2030 et le facteur 4 en 2050.

Elle devra s’engager sur le développement massif des énergies renouvelables, qui sont la seule réponse mondiale crédible pour tenir le double défi de l’accès à l’énergie pour tous et la réduction des émissions.

Elle devra tenir ses engagements sur le développement, mais aussi ses nouveaux engagements, notamment sur le désengagement du financement des énergies fossiles.

Les écologistes ont quelques inquiétudes, avec par exemple la Turquie qui annonce un plan faramineux de 80 centrales thermiques au charbon, et nous savons qu’Alstom se verrait bien vendre les turbines.

Mais si c’est l’argent public français, à travers la BPI, qui garantit les marchés à l’exportation, qui permet à la Turquie de s’engager dans une politique énergétique, en totale contradiction avec les enjeux climatiques et les ambitions de la France pour la COP21, alors nous avons un vrai problème.

Cette négociation s’engage dans un contexte compliqué, elle n’est pas la seule crise que connait le monde.

A Paris, au-delà même de la crise climatique, le monde va décider entre deux voies, soit un monde de confrontations, de constitutions de blocs - ils existent, ils s’affrontent directement ou indirectement – soit à travers un accord, même imparfait, sur le climat, la recherche d’un monde de régulation, où chacun est conscient de la nécessité de rechercher l’accord avec l’autre.

C’est un défi considérable qui nécessite prise de conscience, explications et pédagogie, mobilisation et action, avant, pendant et après la COP21.

Ainsi tous ceux qui pensent que l’écologie est une solution seront plus que jamais présents pour jouer leur rôle et assumer leur part de responsabilité, et elle est d’importance.

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