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10 janvier 2016 7 10 /01 /janvier /2016 17:00

un ancien article de novembre 2013 sur les émissions américaines de méthane:

Plaider la cause du gaz de schiste passe généralement par la lutte contre le réchauffement : à énergie produite équivalente, le gaz émet beaucoup moins de dioxyde de carbone (CO2) que le charbon, la source d'énergie qu'il tend à remplacer outre-Atlantique. Mais les « vertus » climatiques des gaz non conventionnels sont de plus en plus contestées.

PUISSANT GAZ À EFFET DE SERRE

En montrant que les émissions américaines de méthane (CH4) – principal composant du gaz naturel (conventionnel ou non) – sont largement supérieures aux estimations officielles, des mesures publiées lundi 25 novembre dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) semblent remettre un peu plus en cause ces bénéfices présumés du gaz par rapport au charbon. Ces travaux montrent en effet que les Etats-Unis produisent 50 % à 70% plus de méthane que ne l'estiment ses inventaires. Or le CH4 est un puissant gaz à effet de serre, dont le potentiel de réchauffement est, sur un siècle, trente-quatre fois supérieur à celui du CO2 – selon l'estimation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

L'exploitation du gaz de schiste est-elle réellement coupable de cet excès inattendu de CH4 ? Les auteurs notent que d'autres secteurs émettent en quantité cet hydrocarbure : l'élevage animal, l'agriculture, l'exploitation du charbon, industrie pétrochimique, etc. Pour faire la part des choses, ils ont analysé des milliers d'échantillons d'air prélevés au-dessus du territoire américain, au sol ou en altitude. Ces informations leur ont permis de remonter la piste du méthane excédentaire. Résultat : l'écart entre les mesures et les inventaires officiels est le plus marqué au Texas, en Oklahoma et au Kansas.

TRAVAUX SOLIDES

Dans ces trois Etats, les émissions de CH4 sont supérieures de 170 % aux estimations officielles. Or l'activité pétrolière et gazière y est importante. « Ce résultat suggère que les activités régionales d'extraction et de transformation d'hydrocarbures peuvent atteindre 2,3 fois à 7,5 fois les estimations de l'inventaire le plus complet sur les émissions de méthane », écrivent les auteurs.

Cependant, ces derniers n'incriminent pas l'extraction de gaz de schiste en particulier. « Ces travaux sont très solides car ils s'appuient sur un très grand nombre de mesures, dit Philippe Ciais, spécialiste du cycle du carbone et chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (CEA/CNRS/Université de Versailles). Mais ils ne permettent pas de déterminer précisément les sources d'émissions, y compris au sein du secteur pétrolier et gazier : on ne sait pas si c'est l'extraction, le transport, le stockage de gaz qui est en cause, pas plus qu'on n'est capable de dire si ce sont des vieux puits abandonnés voire des activités pétrolières qui sont le plus à blâmer. »

Les auteurs notent toutefois que les trois Etats pointés dans leur étude comptent « parmi les cinq plus gros producteurs de gaz naturel » – ce qui dirige le soupçon vers le gaz de schiste. Mais M. Ciais précise que « l'Ohio et la Pennsylvanie, également gros producteurs de gaz de schiste, ne montrent pas de tels excès d'émissions de méthane ».

BATAILLE SCIENTIFIQUE

Ces nouveaux travaux s'inscrivent dans une intense et récente activité de recherche, visant à déterminer précisément les taux de fuite de méthane liés à l'exploitation des gaz non conventionnels (gaz de schiste et gaz de réservoirs compacts). Le bal a été ouvert en avril 2011 avec la publication, dans la revue Climatic Change,d'une analyse conduite par le bio-géochimiste américain Robert Howarth (université Cornell à Ithaca, Etats-Unis), suggérant un taux de gaz fugitif compris entre 3,6 % et 7,9 %, soit au-dessus des estimations industrielles. M. Howarth avait alors subi les foudres du secteur gazier, l'American Natural Gas Alliance (ANGA), qui avait même acheté des panneaux publicitaires sur Google , faisant apparaître des messages mettant en cause l'intégrité scientifique du chercheur, lorsque son nom était entré dans le moteur de recherche.

Depuis avril 2011, une sorte de bataille scientifique s'est enclenchée. Plusieurs études académiques publiées au cours des derniers mois tendent à donner raison à M. Howarth – avec des estimations de taux de fuite compris entre 2 % et 11 %, selon les bassins, l'âge des puits, etc. –, tandis que l'analyse in situ de plusieurs installations, cofinancée par l'industrie et une ONG, publiée en octobre, concluait quant à elle à des taux inférieurs à 0,5 %...

« Cette nouvelle étude est la plus complète menée à ce jour sur les sources et l'ampleur de la pollution au méthane aux Etats-Unis, estime Robert Howarth. Elle démontre clairement que les émissions de ce gaz sont substantiellement supérieures aux estimations de l'Agence de protection de l'environnement (EPA), en particulier pour le secteur gazier et pétrolier aussi bien que pour la production animale industrielle. Ces nouveaux chiffres sont cohérents avec ce que nous avions estimé en avril 2011. » Pour le chercheur américain, « la conclusion est que le gaz n'est pas une énergie de transition [vers les énergies renouvelables], c'est une source énergétique désastreuse en termes de changement climatique ».


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/11/27/les-emissions-americaines-de-methane-sont-sous-estimees_3521092_3244.html#0jHGxbyBe7bHuXcS.99

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